Projet
de these, pour un Ph.D., présenté et soutenu. à la Graduate School de
Pennsylvania State University - State College, Pennsylvanie en janvier 1975
TABLE
DES MATIÈRES
Introduction
Idéologie et littérature: Essai de définition
Idéologie et littérature: Culture politique
Naissance de lidéologie nationaliste
La littérature et lidéologie politique
aujourdhui
Conclusion
Liste des ouvrages cites
INTRODUCTION
Mes yeux viennent à peine de souvrir à
ces mystères de lAfrique éternelle et dans ma soif de savoir,
jai du plus dune fois sacrifier ma petite prétention dintellectuel en
veston devant les silences des traditions quand mes questions par trop impertinentes
voulaient lever un mystère. (1)
En
essayant de définir lAfricanité, cest-à-dire généraliser, on risque de
pêcher par excès de bonne volonté, car toute généralisation porte en son sein ses
excéptions, demande des modifications et conseille des réserves. Et nous savons qu
on ne peut faire de la bonne littérature avec
de bons sentiments.
Mais nous pouvons avancer que lAfrique est la
somme dune multitude de traits culturels qui sont communs à un grand nombre de
sociétés africaines. Certains traits sont plus prononcés dans une société que dans
une autre et même parfois absents chez le voisin immédiat. Mais lhéritage
africain, indélibile et indéniable, est présent partout.
Si
nous nous élevons contre lAfrique au sud
du Sahara, ou contre toute autre délimitation, ce nest pas tellement
contre la notion elle-même ne morcelle-t-on pas la littérature dun pays en
siècles, écoles, mouvements,
pour mieux étudier le contour, le détail, etc.? -
mais contre lexcès. Progressivement, et les raisons sont multiples, nous voyons
toute une partie de lAfrique (lAfrique du Nord et lArabo-bérbère)
coupée de sa vocation africaine. Nous craignons donc, que les arbres aussi luxuriants
soient-ils ne nous cachent la forêt. Cet héritage commun à tous les Africains est basé
sur les similarités de lexpérience dexistence - de la lutte patiente de
lAfricain, depuis des âges immémoriaux, à survivre sur une terre ingrate
jusquà la réaction à la domination coloniale - et sur les échanges culturels qui
ont eu lieu à travers les siècles à lintérieur du continent.
Aussi,
lAfrique nest plus cette essence
mystérieuse, ni un livre de connaissances ésotériques
que seuls les initiés peuvent déchiffrer ou, dune manière simpliste, une
configuration de caractéristiques plus ou moins exotiques, propres à alimenter nos coeurs deja vieux (J. Brel), mais une
expérience vécue dun continent, dun peuple, en un mot: une culture. Une
culture que nous retrouvons partout dans les ramifications dune société :
lorganisation économique, la structure familiale, les institutions politiques, les
concepts philosophiques, les éléments religieux ou rituels, les arts plastiques et
graphiques, les arts du mouvement, le son et le verbe.
Nous ne nous étendrons pas sur la vocation africaine du Maghreb et de
lArabo-bérbère. Bien que la plupart des spécialistes de lAfrique, surtout
en littérature, sont en retard de plusieurs phases
littéraires - ils tournent encore autour des thèmes archi-connus, archi-typés et
archi-périmés, de la négritude et
de laliénation - les
Africains, et plus particulièrement lintelligentsia, ont pris conscience depuis des
années de cette Africanité. Cette Africanité, elle-même, nest dailleurs
quun stade provisoire. Elle doit seulement préparer vers lUniversalité avec fidélité à soi
déja abordé par les meilleurs écrivains, et les moins connus parcequils
échappent à la catégorisation simpliste et académique.
Nous
citerons seulement à titre de témoignage, Léopold Sédar Senghor (poète, écrivain,
linguiste, philosophe, théoricien, lun des pères de la négritude et Président de
la République du Sénégal, en un mot lAfricain accompli) qui déclarait en février 1967:
Je voudrais, en matière de conclusion, revenir sur le
rôle de la médiation que les penseurs arabo-bérbères ont joué entre lEurope et
lAfrique, et qui est leur vocation naturelle. Dautant que cette action répond
à nos préoccupations. En effet, jai souvent pensé que lIndo-européen et le
Négro-africain étaient situés aux antipodes, cest-à-dire aux extrêmes de
lobjectivité et de la subjectivité. Et jai prôné, comme idéal de
lhumanisme du XXe siècle, la symbiose de ces éléments différents, mais
complémentaires. Cest précisemment, à la réalisation de cet idéal quont
travaillé tous les grands penseurs arabo-bérbères, quils fussent
du Machrek (2)
ou
du Maghreb (3),
quils soient chrétiens ou musulmans.(4)
En
1946 déjà et, durant la période de la négritude
et de laliénation, cet
Arabo-bérbère en la personne de lAlgérien Jean Amrouche (poète, essayiste,
critique littéraire) vécut jusquà lexaspération le drame de sa multiple
appartenance culturelle et les déchirements quimpliquait cette symbiose dont parle Senghor. Voici cet
être de la médiation:
Je
suppose, pour plus de commodité, quil existe un génie africain; un faisceau de
caractères premiers, de forces, dinstincts, de tendances, daspirations, qui
se composent pour produire un tempérament spécifique
Jugurtha (5)
représente lAfricain du Nord, cest-à-dire le Bérbere, sous sa forme la plus
accomplie: le héros dont le destin historique peut-être chargé dune signification
mythologique
Le Maghrébin moderne combine dans un même homme son hérédité
africaine, lIslam, et lenseignement de lOccident. (6)
Et cet homme nest plus lhybride
culturel expression très à la mode que nous retrouvons dans tous les articles
de certains spécialistes sur les écrivains africains et surtout maghrébins. Cet homme
est plutôt une synthèse qui veut lémergence
dun nouveau monde. Dans un de ses poèmes, Mourad Bourbounne lavait
pressenti il y à une vingtaine dannées:
A
la pointe de la déchirure des chairs
Naît
un homme nouveau
(7)
Naît
un Africain. Et un Africain qui nest pas une fin en soi, un Africain tendu vers
lHomme, vers lUniversel. Et ainsi va sa littérature, celle que nous pouvons
qualifier de Littérature.
Le choix dun sujet impliquant lidéologie politique et la littérature
na pas pour mobile un militantisme ou un révolutionnarisme quelconque mais, parce
quil me semble que la littérature africaine se trouve à un tournant décisif de
son évolution. Elle se trouve en confrontation, de lintérieur cette fois-ci (à
lopposé du fait colonial qui fut, malgré tout, un élément extérieur) avec une
idéologie quelle a contribué à créer et dont elle risque de devenir
prisonnière.
Du
résultat de cette confrontation, qui ne fait que commencer, dépend sa survie et sa mue -
soit en tant que littérature qui se respecte ou bien sassujettir à une idéologie,
bénéfique ou maléfique, et finir en documentation qui fera le délice des
anthropologues, sociologues, psychanalistes,
de tous à lexception des gens
de Lettres.
Lavenir
et lintérêt de la littérature africaine ne semblent pas résider dans la
négritude ni dans larabité ni dans laliénation ni dans le militantisme,
thémes rabachés depuis des années sur un corps défunt mais dans les créations
décrivains qui narrivent pas à attirer lattention des critiques
académiques parce quils ont eu laudace de sortir du cercle vicieux et
essaient de faire éclater le cadre dans lequel on a enfermé la littérature africaine.
Le
but de cette étude nest pas de traîter tous les cas que présentent ces relations
complexes entre les idéologies et la littérature, à cause des facteurs temps et espace
impartis, mais de faire ressortir laspect le plus saillant, ses causes et les
conséquences qui en découlent.
Cette
confrontation paraît être déterminante quant à lévolution de cette
littérature. Lidéologie politique risque dêtre le nouvel obstacle sur la
voie de cette marche vers lUniversel que les écrivains africains avaient, dès
lorigine, choisi comme idéal. Le conflit est à létat latent et les
symptomes sont nombreux. Quel sera le terrain de ce conflit ? Son thème ? Sur quoi
débouchera-t-il ? En quoi la littérature universelle sera-t-elle enrichie ou diminuée ?
Peut-il exister une théorie en la matière qui nous aiderait à comprendre et à
expliquer ce phénomene ? Voila des questions pressantes qui méritent notre attention. Le
sujet est vaste et vaut une chandelle.
Cest
pour cette raison que je pense développer, éventuellement, ce thème en tant que thèse
de doctorat, en le limitant à létude dune littérature particulière
(algérienne), où le mal a déjà fait son entrée, mais
en gardant cette littérature dans un contexte maghrébin et africain, sans pour autant
perdre de vue la soeur-ainée-occidentale de lautre côté des mers, en
loccurrence la littérature française.
Dans
la présente étude, nous nous contenterons den montrer le chemin.
IDEOLOGIE
ET LITTERATURE
Essai
de Définition
La
littérature reste à notre époque, ou même devient plus que jamais, avec les nouveaux
pays indépendants, un secteur clé des débats idéologiques. Les thèmes quelle
peut contenir, sa capacité daction sur un public de plus en plus vaste, les
rencontres quelle peut faire avec de nombreuses disciplines, tout cela contribue à
lui donner son importance sociale.
Dans
le cadre de ce sujet, idéologie est
pris au singulier, ce qui limiterait létude à la question du rapport de la
littérature à lidéologie en général. Ainsi nous reporterons le centre
dintéret sur la littérature elle-même.
Le statut de la littérature nous porte au centre du problème; cest
lidéologie qui le lui donne. Par conséquent, ce nest pas un problème
particulier à lAfrique. La spécifité du fait littéraire nest toujours pas
définie. Aucune méthode dapproche na réussi à la véritablement cerner.
Dans la production littéraire, les psychanalistes trouveront leur bien et les
structuralistes, et les formalistes, et les semioticiens, et les politiques
Mais
cest la lutte idéologique qui, en fin de compte, tranche, suivant le rapport des
forces. Lhistoire semble confirmer cette réduction de la littérature à
lidéologie:
Chez
un peuple privé de liberté, la littérature est le seul tribunal du haut de laquelle il
puisse entendre les cris de son indignation et de sa conscience.
(8)
Cest
ce que fut la littérature africaine (pour nous limiter au contexte du sujet) à
lépoque coloniale et, dans une certaine mesure, post-indépendance et que nous
retrouvons dans des écrits actuels chez quelques écrivains européens : Grecs,
soviétiques,
dont le dernier en date est Solzhenitsyn.
Aucune
théorie de la littérature na jusqua présent réussi à la dégager de
lidéologie. Une lecture des magazines, revues et brochures françaises, par
exemple, se réclamant dune idéologie ou dune autre peut nous éclairer sur
ce quon entend aujourdhui par idéologie lorsquon écrit littérature.
LAfrique
néchappe pas à ce phénomene, dautant plus quelle est encore très
proche de son passé colonial et en quête de sa vocation. En parcourant quotidiens,
hebdomadaires, mensuels, revues - même sportives provenant dAfrique, il est
rare de ne pas trouver quelque part le mot idéologie
ou lun de ses dérivés ou synonymes. Idéologie
devient un cri de ralliement qui tend à remplacer les deux autres puissants leit-motiv :
Indépendance et Révolution. LAfrique toute entière
semble baigner dans un climat idéologique.
Que
veut dire ce mot singulier didéologie ? Dans le terme ideo-logie nous
trouvons deux mots grecs soit : idea :
aspect, apparence, forme; conception de lesprit, et : logos : discours.
Au
point de départ et sous linfluence de la grammaire de Condillac, lidéologie
est un discours sur les idées,
cest-à-dire sur les éléments du langage. Un langage sur les idées : sur les vues (eide) de la pensée, sur la percéption du
monde, et ce qui est imaginaire dans cette percéption. À la suite de la querelle
politique et littéraire qui a opposé les idéologues
condillaciens à Napoléon, le mépris napoléonien pour ce discours lui a laissé cette connotation
inéffaçable: lidéologie est désormais ce rapport imaginaire à des conditions
dexistence réelle (9).
Par ce fait lidéologie devient littérature,
chez Napoléon avec un sens péjoratif. Si le
rapport vécu des hommes au monde
passe par lidéologie, bien
mieux, est lidéologie elle-même (10),
alors lidéologie est le champ même de ce qui est communément pensé comme objet littéraire. Althusser distingue
lidéologie de la science de cette manière:
disons que lidéologie comme système de représentation se distingue de la science
en ce la fonction pratico-sociale lemporte en elle sur sa fonction théorique (ou
fonction de connaissance). (11)
Et
dès lors, la lettre sest
confondue avec sa propre fonction pratico-sociale. Déjà au début du XIXe siècle, sous
le premier Empire, il fut affirmé que la littérature est lexpression de la société en
sen prenant brutalement à Diderot et aux horreurs de la Révolution.
Depuis
le Marxisme-léninisme, cette emprise ne pouvait que continuer à senserrer. Ainsi
et en général, on fait référence aux révolutionnaires plutôt quaux autres,
comme si le succès des révolutions quils ont dirigées, ou avec lesquelles ils
étaient associés, leur conférait un pouvoir particulier dans lévaluation des
questions de la littérature. Ce rapport priviligié à une certaine conception de la
pratique se retrouvera lorsquil sagira de montrer le révolutionnarisme qui confond volontiers
politique culturelle et esthétique.
LEurope
a eu Lenine et jusquà un certain degré linfluence de Mao Tsé Tung,
lAfrique subira linfluence des deux et surtout celle de son propre
fils, Frantz Fanon. Même sils nont laissé aucun ouvrage précis
sur la question, certains notent que malgré labsence dune théorie
densemble, les fondateurs de cette théorie ont laissé des textes quorganise
une certaine cohérence débordant le caractère de contingence ou du militantisme
immédiat.
IDÉOLOGIE
LITTÉRATURE : CULTURE POLITIQUE
Naissance
de lidéologie nationaliste
Frantz Fanon na pas
manqué de souligner limportance de lidéologie durant la phase des
libérations nationales. Il lui confère un rang sans égal dans la hiérachie des
préoccupations africaines. Exprimait-il un sentiment existant ou fut-il novateur ? Cela
est une autre question, mais son influence, directe ou indirecte, ne fait aucun doute :
La libération de
lindividu ne suit pas la libération nationale. Une authentique libération
nationale nexiste que dans la mesure expresse ou lindividu a amorcé
irreversiblement sa libération. Il nest pas possible de prendre ses distances à
légard de lidée que le colonisé se fait de lui-meme à travers le filtre de
la culture colonialiste.
(12)
Il sensuit que :
Le colonialisme et ses derivés ne
constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de lAfrique. A brève échéance ce
continent sera libéré. Pour ma part, plus je pénètre les cultures et les cercles
politiques, plus la certitude simpose à moi que le grand danger qui menace
lAfrique est labsence didéologie. (13)
Si
le mot ne fut lâché quen 1960 - par cet écrivain maquisard célèbre et dont le
prestige faisait tache dhuile à travers lAfrique et le Tiers Monde son
importance réside dans le fait que ce mot coïncidait avec la période de la négritude
et de larabité dans sa phase de reconquête
culturelle à son zénith.
Cela
ne veut pas dire quil y avait absence didéologie politique, bien au
contraire, les élites nationalistes africaines étaient extrémêment politisées et
rodées à tous les arcanes parlementaires et politiques. Elles étaient marxistes,
S.F.I.O., démocrates, républicaines
à la française. Mais dès lors, il fallait
assumer son idéologie comme on
assume sa négritude et son arabité.
Selon
Fanon, lauthentique libération est la libération de lindividu, et, la
condition sine qua non de cette libération est
de prendre ses distances à légard de
lidée que le colonisé se fait de lui-même à travers le filtre de la culture
colonialiste. Lidéologie étant aussi la science des idées, quoi donc de
plus légitime et de plus passionnant pour un intellectuel que de lui faire amorcer irréversiblement sa libération.
Les
penseurs et écrivains sen chargèrent, chacun dans son domaine, et les dirigeants
africains nont jamais manqué une occasion dinsister sur la nécessité
dun effort délaboration idéologique. Et ceci, au point où
le pragmatisme et lempirisme de certains gouvernements africains, tel celui de
Madagascar, sont considérés comme porteur dune idéologie néo-colonialiste
implicite.
Nous
venons de voir par quel processus la reconquête
culturelle a glissé vers la reconquête
idéologique pour nen former quune seule et même chose. Ce mariage
de raison ayant lieu à la période de lutte pour lindépendance, le primat fut
donné, sans aucune scène de ménage, à lidéologie politique. Ainsi, le
phénomene historique sest répété. Lélément esthétique étant
inséparable de la culture, la réduction de la littérature à lidéologie
sest faite à travers la culture. Cela a donné naissance à une culture politique.
Notre
but nest pas lexamen des programmes officiels mais celui des grands thèmes de
cette culture politique pour essayer de situer les contours de lidéologie en
Afrique et de déceler son influence politique et littéraire.
Dailleurs
politiquement, les grands traits sont bien apparents, nous les trouvons tous ou en part
dans chaque état : primauté du parti unique, rôle de larmée gardienne de la Nation, décentralisation
des collectivités locales, nationalisations des grands moyens de production,
encouragement du capital national sous dassez sérieuses réserves, encadrement
sévère du capital étranger, révolution
agraire, affirmation de la personnalité africaine - nègre ou
arabo-bérbéro-musulmane.
La
culture politique, au sens large du terme, est définie en général comme un système de croyances empiriques, de symboles
expressifs et de valeurs qui délimite le site de laction politique (14).
Elle détermine des modèles
dorientation qui donne forme au processus politique (15).
Donc, toutes les expériences: familiales, scolaires, engagements passionnels,
polarisations affectives, etc
en constituent la base fondamentale.
En
essayant de rechercher les thèmes communs
de la culture politique africaine, sans sarrêter aux différenciations sociales qui
qualifient chaque thème selon le milieu où il
sinscrit, celui qui nous saute aux yeux est le thème du sol, de la terre, de
lespace, de la nature,
enfin le thème de la géographie. Ce thème parait
être le symbole expressif par excellence et porteur dune multitude de valeurs que
nous retrouverons dans tous les domaines.
Mais
cette terre, même en termes politiques, nest pas saisie dabord en
déterminations matérielles. Ce qui désoriente léconomiste occidental
dautant plus que ces pays sont sous-développés, des quasi-nations, qui souffrent de
labsence de techniques, dépargne, de capital à investir et dont la poussée
démographique leur pose un dur problème de nourriture. Ces rapports avec la nature sont
viscérals. Dans son effort pour se rassembler, lAfricain veut, conjointement,
rassembler sa terre et son ciel. La nationalisation du canal de Suez, en 1956, les
centaines dautres nationalisations à travers lAfrique sont considérées
comme rétorsion politique ou comme récuperation économique. Mais plus profondément,
elles signifiaient une réappropriation de lhomme africain de sa géographie. De la
vint sans doute le vertige populaire qui accueillit ces décisions dont certaines furent
fort chanceuses et dautres tournant carrément à la catastrophe, si lon
sen tient à la tactique politique et économique.
Ce
besoin impérieux de réappropriation est traduit chez lécrivain par la
nécéssité de senraciner dans cette terre. Sil nest pas lui-même
paysan ou dorigine paysanne, il le deviendra en sidentifiant à son malheureux
compatriote :
On
la (lécrivain)
expulsé de sa langue comme on avait exproprié les
fellahs (16)
de leurs terres.
(17)
Plus
encore que la douleur physique, la torture, les horreurs des combats, lécrivain, le
poète, sattachent à dépeindre la souffrance de la dépossession, du
déracinement, de lexil. Cest Jean Amrouche qui témoigne:
On
a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine
On
les a faits orphelins
On
les a faits prisonniers dun présent sans mémoire
Et
sans avenir
Les
exilant parmi leurs tombes de la terre des Ancêtres
de leur histoire de leur langue et
de
la Liberté.
(18)
Il faut entendre cet appel de Nourredine Aba :
Seigneur
nous avons faim
Et
les épis qui germent se cachent de nous
Seigneur,
les oiseaux fuient notre approche
Seigneur,
il nest plus personne
Pour
oser nous regarder passer.
(19)
et ce qui perce de rancoeur dans ces vers de Nordine Tidafi :
Ils
ont nié la certitude de notre terre
Ils
ont exilé les joies humble de nos chaumières
Lentes
au retour du maïs
(20)
Avec
ce thème du déracinement, de lexil et de la repossession est né un sentiment de la nature.
Toutefois,
ce sentiment de la nature ne peut sapparenter au préromantisme européen car
certains aspects encouragent vers cette direction : une éthique, une métaphysique, une
pure sensualité, les accords du sentiment et de la chair et celles de lhomme avec
la femme, lexaltation que provoquent certains paysages, un coucher de soleil, un
paysan bêchant son jardin ou son lopin de terre, ou le mouvement dune belle femme.
Lidée
de nature na pas le même sens pour lun et pour lautre; elle est
implicitement liée chez Rousseau à lAufklarung,
à la philosophie sensualiste, à la conception de lentendement daprès
Condillac, à un certain panthéisme (mythe de la bonne nature) ainsi
quà la pensée économique du XVIIIe siècle (le mythe des origines donne sens au
Discours sur linégalité et permet à Rousseau de formuler lidée dun
contrat social). Et le préromantisme coïncidait avec la prime industrialisation, et tous
deux avec la découverte dune nature doutre-mer, nous pourrions aussi parler
de précolonisation.
Il
est dailleurs intéressant de noter que le
sentiment de la nature européen coïncidait avec la précolonisation et le sentiment de la nature africain avec la
prédécolonisation. De là le pressentiment de Rousseau et de Diderot, qui fait
deux des anticolonialistes avant la lettre. Rousseau au nom de léthique,
prenait le contrepied du progrès matériel et même dune certaine civilisation :
Cest
à une spontanéité de lhomme naturel, celle à la fois de la raison et du
sentiment, quil redemande les principes du regroupement humain.
(21)
Il
oppose ainsi lidée de pacte, cest-à-dire de la délibération et de la
conscience, à lirrationalité des abus, du despotisme et de la superstition et
préconise un recours aux instincts de létat initial.
De
même, Diderot avait lambition de conjoindre dans un projet valable pour tout le
genre humain les pouvoirs de lencyclopédisme, les devoirs de la mondialité, et
linspiration de lhomme naturel. (22)
Que
restait-il de ces avertissement, si avertissement il y a ? La nature préromantique, cest-à-dire la
beauté des paysages (la bonne
nature) et des êtres (le noble sauvage)
leur confère aux yeux de lOccidental, un privilège de simplesse, elle
lattire surtout par la promesse de bonheur. Un bonheur des origines, indistinct du bien et du mal,
quelque chose de vièrge et dénivrant. Lhomme occidental se fait le
défricheur du jardin dEden, le chasseur de bêtes sauvages.
Puis
à laube du romantisme, de lindustrialisation et des empires, la bourgeoisie
finit loeuvre commencée, elle sépare la technique de lhumain. De ces
démembrements, louvrier européen et le colonial ont fait les plus gros frais.
Mais
cette usurpation de la nature, dans les métropoles industrielles, prolétaires et
déracinés, à lopposé du colonial, récupérèrent, jusquà un certain
point, la richesse quils créent. Le paysage qui se transforme autour deux est
leur oeuvre après tout. Ils sont aliénés, déracinés, mais non pas dénaturés.
Or
cest ce qui est arrivé à lindigène
quand la puissance étrangère accapare sa nature à lui, en détache sa culture, et le
dénomme, significativement, primitif,
parce quon lui dénie sa culture, ou naturel,
parce quil nest plus quobjet de la culture des autres. Le phénomène
culture-nature a été affecté au plus profond. Il nest donc pas surprenant que la
première tâche de lAfricain (écrivain ou autre) fut de rétablir cet équilibre
entre la culture et la nature.
En
restant dans le contexte de libération
de Fanon, il nest pas osé de déduire que : un peuple qui se libère ny
parvient que sil traduit des rapports - eux-mêmes renouvelés plutôt
quhérités - entre sa terre et lui. Désormais, les écrivains amplifieront ce
thème de terre, de nature
qui deviendra, progressivement, synonymes
dAncêtres, de Pays, de Patrie et de Nation, et, contribuera à formuler une
idéologie nationaliste des plus exacérbée:
Etrange
est mon pays où tant
De
souffles se libèrent
Les
oliviers sagitent
Alentour
et moi je chante:
Terre
brulée et noire
Mère
fraternelle,
Ton
enfant ne restera pas seule
Avec
le temps qui griffe le coeur
Mais
ma voix ne sarrêtera pas
De
héler plaines et montagnes
(23)
En
cette occurrence, lécrivain ne peut sabstenir des tâches politiques et il
sagit avant tout pour lui de raffermir la conscience nationale. Cela, les romanciers
et surtout les poètes lont profondément ressenti. Le thème de la terre revient comme un archétype à
travers la poésie et dans le roman. Mais la patrie napparait jamais comme une idée
abstraite même quand elle est exprimée symboliquement; elle sincarne toujours dans
une terre déterminée; cest cette terre qui est source despérance charnelle.
Pour
Jean-Joseph Rabéarivelo, la patrie trouve son symbole dans la majestueuse Tananarive:
Salut,
terre royale ou mes aïeux reposent,
Grands
tombeaux écroulés sous linfini des temps;
et
vous, côteaux fleuris que des fleurs arrosent
avec
leurs ondes dor aux reflets éclatants!
(24)
Pour
Anna Greki cest dans les Aurès, à Menâa (Algérie), le village où
elle est née que la patrie trouve son symbole :
Tout
ce qui me touche en ce monde jusquà lâme
Tout
ce que jaime et ce que je fais jusquà présent
A
des racines là-bas
Au-delà du col de Gerza à Menâa. (25)
(Ecrit en prison)
Cest la vallée de la Soummam pour Malek Haddad :
La
Soummam était bleue du côté des enfances,
La
neige samusait à meriter les cîmes,
Les
figuiers conservaient dans leur longue patience
Lespérance
dun fruit à la taille des crimes.
Rendez-moi
ma vallée quun ancêtre inventa.
(26)
Chez
Aimé Cesaire le pays éclate en force surhumaine, surréelle et le Poète redevient
petit dès quil sent sa main
dans celle de son pays :
Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main
petite maintenant dans son poing énorme et la force nest pas en nous, mais
au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et laudience comme la
pénétrante guêpe apocalyptique. (27)
Le pays est assimilé à une femme, cest la maîtresse du Poète et lérotisme
sacré :
Je
mords ta chair vièrge et rouge
avec
lâpre ferveur
du
mourant aux dents de lumière,
Madagascar!
--------------------------------------
Un
viatique dinnocence
dans
mes entrailles daffamé,
Je
mallongerai sur ton sein avec la fougue
du
plus ardent de tes amants,
du
plus fidèle,
Madagascar!
(28)
LAfrique
dans toute sa sensualité qui colle à la peau. Il faut la porter comme une obsession:
Cest
lAfrique collée à la chair du Nègre comme une carapace, lAfrique collée au
corps du Nègre comme un sexe surnuméraire. LAfrique qui ne laisse pas tranquille
le Nègre, de quelque pays quil soit, de quelque côté quil aille ou
vienne.
(29)
Les
romanciers se sont complus, dès leurs premières oeuvres à décrire la vie des paysans
et leur attachement à la terre; de même ils peindront avec beaucoup démotion
cette terre aride, ingrate, ces villages sales, aux rues tortueuses, ces misérables
marchés, les assemblées, réalites pitoyables, mais qui sont part dhéritage
quils ne sauraient aliéner.
Sans
doute cette terre nest le plus souvent si attachante que parce quelle est le
berceau natal, ou parce que lenfant sy ébattait en liberté. Et peut-être
soupconnera-t-on certains dentre eux de céder à la nostalgie de lenfance
perdue. Mais plus profondément, cette terre est mémoire, le testament de lAncêtre
(Rendez-moi ma vallée quun ancetre
inventa, écrivait Malek Haddad) fondateur de la tribu, celui, qui, en toute
liberté, engendrait le peuple. Dès lors, la remontée dans le temps peut se poursuivre
très loin, jusquà ressuciter des villages, des tribus,
disparus à jamais.
Même
le râle sous la torture est un chant
davenir, un chant du pays. Une des héroïnes dAssia Djebar, Salima,
emprisonné, entend les cris dun compatriote quon torture, et, saisie
dune exaltation sauvage :
Voici
le chant de lavenir, murmure-t-elle à mi-voix, silhouette jaillie au centre de ce
cachot vide, frémissante dardeur et, pourquoi pas, de joie
Le chant de mon
pays, reprend-elle, tandis-que lhomme reprend aussi, râles dabord saccadés,
brefs puis qui se gonflent de nouveau en un seul cri immense, que Salima suit de toute sa
volonté, parce quil lui semble quau bout, il ouvre une porte sur
lazur.
(30)
Au
total, pour tous ces auteurs, exprimer leur attachement à la terre, à leur terre, à
cette terre dans laquelle ils sont ensemencés,
selon le mot dAnna Greki, cest en appeler à lâme, au génie de leur
peuple, et cest aussi bien nouer au plus profond les liens de fraternité présente.
Dans ces pays qui se cherchent et se créent, tous se sentent solidaires. La terre est
ainsi un domaine des possibles, un
jaillissement des énergies cachées. Un poète algérien, Kateb Yacine, dans Nedjma, (31)
suggère cette intériorité explosive, par un symbole de la terre : la grotte. De cette
grotte, le peuple allait sortir après sy être longtemps receuilli. Cette grotte
peut sappeler religion, éthique familiale, sexualité, recours à lantre,
avec tous les développements que cela suggère du point de vue psychanalytique et
mythographique.
LA LITTÉRATURE
AFRICAINE ET
LIDÉOLOGIE
POLITIQUE AUJOURDHUI
Il
existe donc une unanimité
originelle entre lidéologie politique et la littérature dun pays. Du moins,
cela savère plausible en ce qui concerne la littérature africaine. Lauteur
africain est aux prises avec son pays comme il lest avec lui-même et son art. Il
partage le drame de son pays et de son peuple. Sa difficile tâche est souvent de
participer à la formation, à léducation de la société dans laquelle il vit de
toutes ses entrailles et, de pouvoir sen dissocier pour lanalyser,
lexpliquer, aux siens et au reste du monde, car malgré lui, son pays (et par
extension lAfrique) trouve dans ses démarches, même les plus partielles, son
expression totale. Et ce, avec tout le déchirement quentraîne cette démarche qui
oscille entre la psychologie de lauteur et lhistoire de son pays.
De
par la situation coloniale et son héritage, lauteur africain est aussi acculé au
politique, sil nest
pas devenu lui-même politicien (Senghor, Cesaire, Fanon, Lacheref,
). Encore
aujourdhui, nous constatons une littérature portant en soi une dimension
politico-sociale. Pour les meilleurs écrivains, non pas par un choix délibéré mais
souvent par nécessité.
Jusquaux indépendances, le littéraire et le politique allaient main dans la main
sans risque de grands heurts. Les seuls faits notables furent des querelles de clochers,
sans conséquences de grandes envergures dans limmédiat, ni pour lun ni pour
lautre. Mais il existait à létat latent la remise en question de
linter-dépendance du littéraire et du politique.
Hormis
les démêlés politico-idéologiques et tactiques entre Senghor et son prime parti ou,
les critiques quelquefois acerbes et paternalistes contre les intellectuels modérés et bourgeois
algériens ou africains en général, de Frantz Fanon, le tout fut remis à plus tard. Il
ny eut pas de confrontation qui puisse retenir lattention. Il y avait plus
brûlant, plus important sur la planche. Lindépendance, la décolonisation
politique, sociale, économique et culturelle, la crise du langage, lincertitude
fondamentale du conflit de deux cultures et de deux civilisations à résoudre, le travail
de reconquête avec sa décolonisation de lhistoire et ses impératifs de
lAfricanisme.
Lindépendance
conquise et après leuphorie des premières années, lauteur et
lintellectuel, au sens large du terme, africains se trouvent aux prises avec un
problème qui parait insurmontable, un nouveau dilemme. Ils ont, directement ou
indirectement, contribué à la naissance de ce nouvel état et ont également,
directement ou indirectement, construit léchafaudage de cette idéologie avec
laquelle certains se trouvent en conflit aujourdhui, plus ou moins ouvertement.
La
solution peut paraître simple mais à la différence de leurs homologues occidentaux, ils
ont conscience que dans leurs pays où
lanalphabétisme atteint encore des proportions éffarantes, la moindre
connaissance, la moindre énergie, le moindre talent, sont indispensables à des tâches
plus pratiques. A des tâche de
reconstruction.
Quelle
que soit la décision, le sacrifice est lourd. Leffort
de conscience que fait un écrivain ne présente pas toujours pour lui la fin des
difficultés, ça ne fait que commencer, nous dit Kateb Yacine. (31)
Beaucoup
dentre eux ont déjà sacrifié leur art-naissant pour se consacrer entièrement à
ce travail. Il serait fastidieux den dresser une liste. Quels que soient les motifs,
saluons au passage cette noble décision.
Dautres
ont choisi de travailler dans la ligne de démarcation que cette idéologie et leur
engagement leur permettent. Ils continuent une oeuvre de récuperation,
dinterprétation, quelquefois admirable. Ils sont les penseurs, les physiciens, les
pronosticateurs ou les chantres du régime ou du parti. Nous les retrouvons à tous les
niveaux administratifs, dans les cabinets gouvernementaux, les officines politiques,
dogmatiques, littéraires de tout genre, la presse, etc
Il
est à regretter que, souvent, leurs oeuvres dégénèrent en polémiques stériles,
flatteries et parfois en pure démagogie. La majorité peut être, simplement, qualifier
de poètes courtisans. Le reproche
le plus violent et le plus impitoyable leur fut lancé par Sembène Ousmane:
La débilité de lhomme de chez nous -
quon nomme notre africanité, notre négritude - et qui, au lieu de favoriser
lassujetissement de la nature par les sciences, maintient loppression,
développe la vénalité, le népotisme, la gabégie et ces infirmités par lesquelles on
tente de couvrir les bas instincts de lhomme - que lun de nous le crie avant
de mourir - est la grande târe de notre époque. Et lon pousse la surenchère de la
spéculation intellectuelle sur notre société contemporaine, charnière de notre passé
et de notre avenir, sur la sociabilité de nos pères, nos arrière-grands-pères.
(32)
Cette
littérature, produit de quelques écrivains versant dans le larbinisme selon le mot de
Jean Dejeux (33),
paraît être celle qui correspond le mieux à lidéologie politique
post-indépendance. Elle est dailleurs acceptée, protégée et encouragée par les
régimes en place. Nous prendrons un pays africain spécifique, lAlgérie, pour
cette comparaison. Il suffit danalyser quelques aspects du Manifeste des Écrivains Algériens pour voir le
lien étroit qui existe entre elles :
Réunis en Assemblée Générale à Alger, en 1963, des
écrivains connus pour leurs travaux littéraires et leur attitude pendant la guerre de
libération, ont constitué lUnion Nationale des Écrivains Algériens, dans la
perspéctive dune large Fédération des Arts et Lettres.
Ceci
étant lintroduction et la base fondamentale du Manifeste, les travaux littéraires
dun écrivain ne font de lui un écrivain à part entière quen fonction de
son attitude pendant la guerre de
libération. Cette introduction nest donc quun principe sélectif
car, dans une Algérie se voulant démocratique, socialiste, populaire et
révolutionnaire, lécrivain doit sengager, entre autres, à :
exprimer
dans (ses)
oeuvres ce quil y à de meilleur dans (les)
traditions populaires, traduire dans toute leur
complexité les aspects de la vie (du) peuple,
contribuer à renover, par tous les moyens à sa disposition (le) patrimoine culturel, promouvoir une culture nationale,
profondément populaire dorigine et de vocation, imprégnée de lesprit
scientifique, résolument engagée dans la voie révolutionnaire comme le prévoit le
Projet de Programme de Tripoli (34)
et ouverte sur le monde, répandre cette culture par la publication de brochures et
bulletins, lédition douvrages, les traductions, lorganisation de
conférences, colloques, congrès, démissions radiophoniques et télévisées, de
séances théâtrales et cinématographiques, dexpositions, de concerts, la
commémoration des dates historiques et des événements intellectuels, la participation
aux manifestations culturelles internationales, ou tous autres moyens, en liaison avec
les organisations spécialisées dans ces domaines.
En
somme, toute forme esthétique est monopolisée au service de la culture populaire, culture politique, et de sa propagation par
un système de propagande intensifiée et coordonnée par les organisations spécialisées dans ces
domaines (le 5e Bureau français aura fait école!) à lintérieur du
pays, pour léducation du peuple et :
faire connaître à létranger la culture algérienne, dans lesprit
damitié et déchanges fructueux avec tous les peuples.
Lécrivain
doit, aussi, aider selon ses forces à la lutte contre lanalphabétisme et
linculture, à lélevation du niveau déducation du peuple maisdans un esprit de progrès et de lutte contre la
facilité et légoïsme. Ceci vise les écrivains qui refuseront de
cautionner lidéologie nationaliste; leur oeuvre sera qualifiée de facile; ils
seront égoïstes puis traîtres. Lécrivain doit rester ouverts aux
courants les plus audacieux de la recherche intellectuelle contemporaine mais afin den tirer parti, dapproffondir (sa)
connaissance et de mettre les plus fructueux de ces essais au service de notre
Révolution. Il ne doit jamais professer ni admettre aucune discrimination à
cause de lorigine, de la naissance, de la langue, des convictions et des croyances,
ainsi la liberté dexpression et de pensée est assurée pour tous mais contribuant à donner à la République Algérienne un
contenu de plus en plus démocratique et populaire.
Lécrivain
ne peut être qu engagé car
il doit joindre (ses) efforts à ceux de ses confrères étrangers qui
luttent contre le colonialisme, ancien et nouveau, pour la paix mondiale et lamitié
entre tous les peuples,
Il
doit aussiresserrer (ses) liens avec (ses) confrères du Maghreb, du Monde Arabe, dAfrique
et du Tiers-Monde dans une perspective révolutionnaire.
Enfin
et surtout, et pour clore le Manifeste, les écrivains ne doivent jamais oublier que :
Algériens
parmi les Algériens, en mettant notre travail au service du peuple, nous proclamons ainsi
notre dêtre pleinement des frères parmi nos frères, libres parce que nous faisons
partie dun peuple libre, mais engagès vis-a-vis des notres parce que nous
noublions pas que cest de ce peuple que nous tenons notre liberté.
(35)
Si
dans ce Manifeste les termes révolution, socialisme, engagement, etc. reviennent souvent,
lassiette de ce texte est le peuple.
LAlgérie
devient aujourdhui limmense chantier de lénergie populaire, un
laboratoire pour les recherches de lart, de la science, et pour,
lépanouissement des consciences (36)
résume ce manifeste littéraire et lidéologie politique actuelle, tous deux nés
du Projet de Programme de Tripoli. Laspect
révolutionnaire de la culture est lié à la démocratisation de lenseignement, de
léducation. La littérature étant lexpression de cette culture, voici
comment elle est définie par la Chartre de Tripoli
:
En
tant que culture révolutionnaire, elle ne sera ni une culture de caste fermée au
progrès, ni un luxe de lesprit. Populaire et militante, elle éclairera la
lutte des masses et le combat politique et social sous toutes ses formes. Elle
réfléchira sans cesse les aspirations du peuple, ses réalités et ses
conquêtes nouvelles, ainsi que toutes les formes de ses traditions artistiques.
(37)
Elle doit donc :
reconstituer, revaloriser et faire connaître le patrimoine national et son double
humanisme classique et moderne, afin de les réintroduire dans la vie intellectuelle et
léducation de la sensibilité populaire.
(38)
Ainsi
et peu importe lappellation des gouvernements africains en place : socialiste,
démocratique, populaire, révolutionnaire, etc. Tout ce qui représente la vie africaine
aujourdhui - de son orientation économique, en passant par lattitude des
Africains et de leurs leaders, jusquà ce mouvement littéraire cohabitant avec
cette situation - reflète et exprime un populisme qui est lossature de cette
idéologie africaine dénommée Nationalisme.
Et
cette idéologie - Nationalisme - nest pas contradictoire avec le populisme qui:
souscrit
à deux principes fondamentaux: la suprématie de la volonté du peuple, identifiée avec
la justice et la moralité, sur toute norme; limportance dune relation directe
entre le peuple et ses leaders indpendamment des institutions.(39)
D.
Easton distingue trois fonctions du populisme: la fonction partisane qui évoque les croyances
permettant dorganiser lopinion sur le comportement des activités politiques.
La fonction de légitimation
concerne les croyances soutenant ou contestant le régime et le droit des autorités à
gouverner. La fonction communautaire
concerne la persistance ou le changement de la communauté politique. (40)
Lidéologie
en Afrique, fortement polarisée sur lidentification à la communauté à travers la
Nation et le Peuple - tout comme nous venons de le voir dans lanalyse du Manifeste
et qui concorde avec les fonctions du populisme - a donc une fonction communautaire
déterminante. La puissance du sentiment national renforce les régimes qui ne
sécartent pas du bien commun du nationalisme. Le soutien que la population porte au
système sexprime à travers un parti unique de préférence ou dun parti à
base populaire. Cest peut-être pourquoi les partis uniques, bien que constamment
critiqués, conservent une légitimité inégalée. Peu importe quil fonctionne mal
au jour le jour, le soutien que leur apporte le peuple sadresse au symbole du
régime, non au gouvernement réel.
Ainsi
dans une idéologie où le populsime en est
lossature, le politique et le littéraire se rencontrent dans le premier principe
fondamental qui est la suprématie de la
volonté du peuple, identifiée avec la justice et la moralité, sur toute norme;
tandis que le deuxième principe, la littérature joue un rôle important, sil
nest pas vital pour la survie du système, car, en assumant la culture populaire, la
littérature devient le lien de cette relation
directe entre le peuple et ses leaders indépendamment des institutions. La
littérature ne peut donc que sassujettir à lidéologie politique et épouser
les mêmes principes de base, en tirer une force immédiate - celle du Pouvoir politique -
et périr, ou bien rejeter cette interdépendance et en loccurrence le Nationalisme:
Je
naime pas beaucoup le nationalisme. Un écrivain ne peut pas aimer le nationalisme
parce que cest très dangeureux. Le nationalisme cest létroitesse
personnifiée, cest utile politiquement peut-être, mais enfin pour lécrivain
cest toujours restrictif.
(41)
Kateb Yacine
Cela nous rappelle Mallarmé lors de sa scission avec le Parnasse:
Jabomine les écoles, et tout ce qui y
ressemble et Je répugne à tout ce
qui est professoral appliqué à la littérature.
Cette
littérature idéologique tire sa force du Pouvoir politique par les moyens mis à sa
disposition et sarroge le droit, au nom de la Révolution ou de lidéologie,
de juger du fait littéraire. Une véritable Académie Française à son origine mais sans
le panache ni la compétence de cette dernière, ni la subtilité et la doigté dun
Richelieu comme inspirateur et parrain.
Elle
est appelée à se dessécher et à périr, tout comme le populisme qui, historiquement,
constitue une réponse à une crise de développement et qui est transitoire, provisoire,
et, en attente de lindustrialisation. Déjà, le seul écho que cette littérature
rencontre est celui des magazines littéraires quelle dirige ou le zèle dun
chercheur en quête de linsolite. Les thèmes sont les mêmes : la lutte pour
lindépendance terminée il y à belle lurette, le combat contre
limpérialisme et le colonialisme avec les clichés classiques. Elle est en
général ennuyeuse et insipide. De bonnes rédactions - avec le concours de
léditeur ! - de classes du secondaire. Mostéfa Lacheraf, au colloque sur le roman
maghrébin, en 1968, a bien décrit ce genre litteraire
en sen prenant au nationalisme
anachronique:
Aujourdhui,
le folklore et lexploitation abusive de lhéroisme guerrier sont devenus les
deux mamelles de certains pays du Maghreb et remplacent successivement et sur une plus
grande échelle encore la sous-culture colonialiste exotique et lépopée
légionnaire et patriotarde par laquelle sest prolongée chez nous la domination
française.
(42)
Certains
écrivains, et parmi les meilleurs, défendent de plus en plus leur liberté et renoncent
aux schémas classiques quon voulait leur imposer, de lintérieur et de
lextérieur. Cela ne se fait pas sans une crise profonde.
Prenant
conscience de la situation historique dans laquelle était née la littérature africaine,
ces écrivains se sont sentis le devoir dincarner les aspirations profondes de leur
peuple. Jusquaux indépendances et même plus tard, leurs oeuvres étaient le miroir
et le soutien de la décolonisation, ils avaient essayé, et essaient encore
aujourdhui, de faire un lien entre le passé culturel et le présent qui se
construit. Mais ayant atteint une maturité dans leur art et tendant vers cette Universalité avec fidélite a soi, ils
voient leur condition intellectuelle qui est le désir dapprocher de plus près la
vérité, limitée par lidéologie politique de leurs pays respéctifs. Ils semblent
étouffer dans latmosphère du nationalisme. Ils se sont, pour la plupart, exilés.
Nous les retrouvons en France ou ailleurs.
Le
Voltaïque, Nazi Boni, dans la préface de Crépuscule
des temps anciens, un véritable manifeste de lAfricanité, insiste sur la
nécessité détudier en profondeur le contenu réel de lAfricanité, à base
de la liberté de lécrivain et non pas dune idéologie. Il semble offrir une
réponse à la crise actuelle, une nouvelle base de départ. Il fait appel à
lhistoire et à un cas récent pour lAfrique:
"Les empires coloniaux conquis au fil de lépée sécroulent parce
que lhomme dOutre-Mer a répondu une fois pour toutes à lappel de la
liberté. Ceux qui sobstinnet à vouloir lasservir courent au suicide.
Il est conscient de la situation de transition du moment :
Ballotée par des courants contraires,
lAfrique cherche sa voie dans les brumes et les tempêtes. Pourvu que radars et
boussoles ne se détraquent pas.
Lui aussi voit les effets néfastes du nationalisme :
Son micro-nationalisme sectaires, indice dune crise de croissance aigue,
soppose à son unité, demolit les apports positifs de lOccident, déprécie
la négritude, paralyse lAfricanité et constitue, à létat de subconscient,
le germe nocif dune éventuelle resurgence de méthodes périmées.
Il y a espoir mais le chemin à parcourir sera dur et long et non sans douleur :
Et cependant, il faut quelle (lAfrique)
renaisse, sadapte, se réalise. Ce nest
possible sans heurt que si elle surmonte son complexe daliénée, refoule ses
rancoeurs, se reconcilie avec elle-même, avec le reste du monde, singulièrement avec
lEurope. Les phénoménes sociaux démontrent tous les jours que le chemin de
lhumanisation des rapport entre les peuples ne passe ni par la haine ni par la
guerre. En cette heure de libération des pays subjugués, alors que tout doit être mis
en oeuvre pour bâtir de grands ensembles africains plutôt que de vitupérer, du haut des tribunes, la défunte
domination coloniale, impose à nos élites limpérieux devoir de satteler à
la redécouverte de la vieille et authentique Afrique. (43)
Cela
représente le nouveau bond, une nouvelle base après la Négritude, lArabité et le
Nationalisme: cest lAfricanité.
Elle existait, elle sest même exprimé, isolément sans doute, mais elle est
présente et seulement timorée par les ornières du micro-nationalisme sectaire.
Lécrivain
africain en prend conscience, il lassume pleinement pour bâtir de grands ensembles africains.
Et cette Africanité, elle-même, nest pas une fin en soi, elle est nécessaire,
elle est la seconde étape vers cette Universalité
car, pour paraphraser André Gide, la
littérature la plus nationale, la plus raciale est aussi la plus universelle.
Mais
cette Africanité ne peut être atteinte quà travers la liberté, et la vraie
liberté est celle de la condition intellectuelle. La littérature tout en étant un art
en soi, est en même temps le reflet de lâme dun peuple. Lécrivain
africain doit être libérer des entraves des idéologies politiques pour pouvoir assumer
sa condition, son oeuvre, son pays et son peuple, et lhumanité entière.
LAlgérien Kateb Yacine décrit cet écrivain, sans déclaration fracassante malgré
les problèmes quil a eus avec son pays, tout simplement, lors dune interview:
(le
vrai poète)
cest quelquun qui ne
prétend pas faire de son verbe quelque chose qui domestique les hommes et qui leur
apprend à vivre, mais au contraire quelquun qui leur apporte une liberté, une
liberté souvent gênante dailleurs. Je crois que le vrai message du poète
cest ça. Ce nest pas le fait de dire aux gens, vous devez faire ceci, ou vous
devez faire cela, cest justement de briser les cadres qui ont été tracés autour
deux pour quils puissent rebondir. (44)
Le
Gabonnais Gabriel Rokoungou, qui, malgré les haines et les guerres voulait enjamber
toutes ces phases pour faire éviter à lAfrique ces déchirements. En visionnaire,
il écrivait en 1957:
La
forme des oeuvres se doit à la science, cest à-dire au souci de ces primitifs de
traduire, de concevoir lunivers extérieur. Ces styles noeuvrent pas en faveur
dune négritude quelconque; ils me semblent plutôt la manifestation preque à
létat fatal de lintelligence humaine.
(45)
CONCLUSION
Cette
étude nest pas exhaustive. Nous nous sommes limités à la question du rapport de
la littérature à lidéologie en général et son expression dans le Nationalisme,
et la littérature ayant comme centre de gravité le Nationalisme-même.
Pour
pouvoir élaborer une conclusion dune certaine ampleur et valeur, il aurait fallu
traiter un thème plus complet, cest-à-dire idéologies au pluriel - parce que mélant
diverses classes, incarnées dans les divers systèmes philosophiques, liées aux diverses
institutions et qui nouent avec la littérature des rapports plus étroits. Ce que
jespère aborder prochainement.
Mais
dores et déjà, nous constatons que les rigueurs de la lutte idéologique tendent
à priviligier les secteurs où elles se déroule le plus
durement. Elles tendent aussi à réduire les recherches, les discussions, à leur seul
tournant idéologique, voire politique. Lidéologie accapare la littérature et
lempêche de déboucher sur la production de nouveaux concepts, nécessaires à sa
mue, et, la stoppe là pour fabriquer à grande vitesse quelque image type où le
contenu idéologique se lit plus clairement. La littérature devient alors un ensemble de
règles, lexposé dun délire codifié, une transe rituelle et collective.
A
ce stade de la recherche, il me semble que la littérature ne peut être envisagée comme
un pur et simple lieu politique où lidéologie se
donnerait à lire, et elle seule. Mais il me paraît difficile que la littérature puisse
être envisagée comme une production totalement singulière, un fonctionnement pur de
toute idéologie, réduit au simple jeu de structures propres, et propres au langage.
Dans
la littérature africaine, deux tendances sont nées de ce conflit. Une sous-littérature,
malheureusement la mieux connue, produit dun degré zéro du conflit entre la littérature
et lidéologie. Cette littérature se définit par lidentification complète
des personnages à lidéologie de son pays. Tout le roman est la formule
développées: qui est le Bien - que
définit lauteur en fonction de lidéologie - est récompensé; qui est dans le Mal est puni; ou les
thèmes du méchant colon et blanc;
ou le sanguinaire impérialiste;
etc
un véritable masochisme collectif exprimé par une sorte de nostalgie de lépoque coloniale. Le
récit se ramène à une fable simple, qui sétire, laissant des espaces pour le
codage de lidéologie.
La
seconde tendance, dit et dénonce lidéologie. Si elle na pas trouvé
dissue à la literature, elle offre une capacité de resistance aux idéologies.
Elle fait un travail ingrat, celui de dé-mystification. Elle le fait avec plus ou moins
de bonheur.
Que
sera la littérature africaine ? Hormis quelques écrivains dignes de ce nom, et qui
peuvent se compter sur les doigts dune main, je crains de clore ma conslusion par un
grand point dinterrogation.
Ou
peut-être, souhaiterai-je, à haute voix, que nous, en tant que critiques de cette littérature, devrions
faire un effort pour découvrir les nouveaux talents - et sont-ils nombreux ces célèbres inconnus - mais en leur
appliquant la rigueur de lanalyse, de la critique littéraire, tel que nous le
faisons pour un Chrétien de Troyes, un Voltaire, un Giraudoux, au lieu de se laisser
attendrir par un tam-tam dans la brousse ou un voile bleu de Targui
Négliger
les superficialités africaines, poudre descampette, pour aller à la vieille et authentique Afrique comme
on va au coeur de la doulce France.
Peut-être
aussi, devrions-nous laisser se reposer, pour quelque temps, les vieux routiers de la
négritude, de larabité et de laliénation.
Notre
travail sera un peu plus difficile que de battre des chemins déjà battus, que de
défoncer des portes ouvertes, mais peut-être, aiderons-nous à faire éclore cette
littérature, celle qui mérite ce titre.
Notes :
(1)
Djibril Tamsir Niane, Soundjata ou lépopée
mandingue (Paris: Présence Africaine, 1960), page 9
(2) Orient
(3) Occident
(4) Les Fondements de lAfricanité ou Négritude et
Arabité. (Paris: Présence Africaine), pp. 99-100
(5) Héros berbère
de lAlgérie, Province romaine
(6) Anthologie des écrivains maghrébins dexpression
française, ed. Albert Memmi et al., 2e ed.
(Paris: Présence Africaine, 1965), p. 35.
(7) Eclatement
Pluriel, in Espoir et Paroles, ed. Denise Barrat (Paris: Séghers, 1963), pp. 233-237
(8) Pierre Macherey, Pour une théorie de la production littéraire
(Paris: Maspero, 1966), p. 137
Louis Althusser, Pour Marx, (Paris: Maspero, 1965), p. 241.
(10) Ibid., p. 240
(11) Ibid., p. 238
(12) Editioral,
El Moudjahid (16 avril 1958)
(13) Journal de bord, Sahara (été 1960)
(14) S. Verba Comparative Political Culture, in
Political Culture and Political Development, ed. L. Pye and S. Verba (Princeton: P.U.P.,
1965), p. 513
(15) Ibid., p.8
(16) Paysans
(17) Malek Haddad,Ecoute et je tappelle. Les Zéros
tournent en rond (Paris: Maspero, 1961), p. 10
(18) Le Combat algérien, in Espoir et Parole, ed. Denise
Barrat (Paris: Séghers, 1963), p. 20
(19) La Toussaint des énigmes (Paris: Présence Africaine, 1963), p.
36
(20) Le Toujours de la Patrie (Paris:
S.N.E.D.-Oswald, 1962), p. 72.
(21) J. Fabre, Réalités et utopie dans la pensée politique de Rousseau, in Annale de la
Société J.-J. Rousseau (1963), p. 181.
(22) Yves Benot, Diderot, Pechemja, Raynal et
lanticolonialisme, in Europe, No. Special Diderot,
(Janv.-Fév. 1963)
Mohamed Dib, Ombres gardiennes (Paris: Gallimard, 1961), p. 25
(24) Larive, in Panorama de la littérature
négro-africaine, by Edouard Eliet (Paris: Présence Africaine, 1965), p. 34
(25)
(26)
(27)
Le Cahier dun retour au pays
natal, in Panorama de la littérature négro-africaine, by Edouard Eliet (Paris:
Présence Africaine, 1965), p. 84
(28) Opisc. Cit., p. 15.
(29)
Jacques Rabemananjara, Antsa,
in Panorama de la littérature négro-africaine, by Edouard Eliet (Paris: Présence
Africaine, 1965), p. 102
(30)
Les Enfants du Nouveau Monde. (Paris:
Julliard, 1962), p. 82.
(31) Cite par Albert Memmi
et al., ed. In Anthologie des écrivains maghrébins dexpression française (Paris:
Présence Africaine, 1965), p. 179
(32) Vehi-Ciosane (Paris: Présence Africaine, 1966),
pp. 15-16.
(33)
Professeur, critique littéraire et spécialsite, le plus lucide et objectif, de la
littérature algérienne et maghrébine
(34)
Plateforme politico-idéologique élaborée par le Gouvernement Provisoire de la
République Algérienne (GPRA) et le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA)
en juin 1962, à Tripoli, pour donner une orientation politique à lAlgérie, à la
veille de lindépendance. Cette plateforme fait suite, et en sopposant
radicalement, à la Chartre du Congrès de la Soummam (1956), première plateforme
révolutionnaire écrite par les combattants de lintérieur, et non les politiques
comme ce fut le cas pour celle de Tripoli, sous légide des extrémistes du FLN. Ces
deux dates historiques sont très importantes quant à la compréhension des soubressauts
politique et littéraires algériens et éclairent la mention de lattitude pendant la guerre de
liberation que nous retrouvons dans le Manifeste aussi bien que dans
lébauche de la Constitution algérienne. Ces deux dates nont pas fini de
jouer un role de premier plan dans lévolution de lAlgérie, dans tous les
domaines.
(35)
Le Manifeste des Ecrivains Algériens,
Présence Francophone, No. 4 (Printenps 1972), pp.207-208
(36) Ibid., p. 207
(37) Chartre de Tripoli
(juin 1962), p. 32.
(38)
Ibid.
(39) E. Shils The Concept of Populism, cite par P.
Worsley, in Populism, ed. G. Ionescu and E. Gellner (London: Weidenfeld & Nicolsen,
1969), p. 244.
A
System Analysis of Political Life (London: J. Willy, 1965), p. 177
(41)
Cité par Albert Memmi et al., ed. In Anthologie des écrivains maghrébins
dexpression française (Paris: Présence Africaine, 1965), p. 180
Jean Dejeux Littérature
nord-africaine dexpression française,
in LEsprit Créateur, vol. XII, 4 (1972), p. 247
(43)
Crépuscules
des temps anciens, Chronique du Bwamu (Paris: Présence Africaine, 1962)
(44)
Cité par Albert Memmi et al., ed., in opisc. Cit., p. 180.
(45) Cité par Edouard
Eliet, in opisc. Cit., p. 21
LISTE DES
OUVRAGES CITÉS
ABA,
Nourredine. La Toussaint des énigmes. Paris:
Présence Africaine, 1963
ALTHUSSER,
Louis. Pour Marx. Paris: Maspero, 1965
BARRAT, Denise.
Ed. Espoir et Parole. Paris: Séghers, 1963
BENOT, Yves. Diderot, Pechemja, Raynal et lanticolonialisme.
Europe, No. Spécial, Diderot, janv.-fevr. 1963
BONI, Nazi. Crépuscule
des temps anciens, Chronique de Bwamu. Paris: Présence Africaine, 1962
CHARTRE DE
TRIPOLI. Alger: juin 1962
DEJEUX, Jean. Littérature nord-africaine dexpression
française. LEsprit Créateur, XII, 4, 1972
DIB, Mohamed. Ombres gardiennes. Paris: Gallimard, 1961
DJEBAR, Assia. Les Enfants du Nouveau Monde. Paris: Julliard, 1962
EASTON, D. A System of Political Life. London: J. Willy, 1965
ELIET, Edouard.
Panorama de la littérature négro-africaine.
Paris: Présence Africaine, 1965
FABRE, J. Réalité et utopie dans la pensée de Rouseeau.
Annales de la Société J.-J. Rousseau, 1963
GREKI, Anna. Algérie, capitale Alger. Tunis: S.N.E.D.-Oswald,
1963
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