Le terrorisme nest pas invincible
De
Terrorism Can Be Defeated du 27 août
2004.
Par
Rémy
Madoui
La
tragédie du 11 septembre, ses conséquence et l'invasion de l'Irak ont donné une
nouvelle dimension à la guérilla et au terrorisme international. Les deux ont fusionné
dans une idéologie commune dans les pays arabes et, dans une certaine mesure, le monde
musulman. La ligne de démarcation entre guérilla et terrorisme se brouille chaque jour,
nous pouvons inférer une guerilla internationale.
A
ce jour, trois batailles principales ont été emportées contre la guérilla
internationale malgré l'intensification des exactions des insurgés en Irak et le
terrorismme sauvage dAl Qaeda dans certaines régions du monde.
L'insurrection
irakienne a échoué dans la phase la plus critique de l'évolution dune guérilla :
une insurrection nationale et un support populaire plus élargi. Les divers groupes
armés non pas pu regrouper tous les combattants sous une même bannière et
convenir dune cause commune. À ce stade, ils sont vulnérables à
de
plus amples fragmentations et leur flanc est à
découvert aux activités anti-guérilla telle que linfiltration ennemi
des divers groupes insurectionnels aussi bien que la proie de luttes intestines et entre
factions.
Al
Qaeda a été décapitée. Des coups meurtriers ont été infligés à
ses dirigeants et un grand nombre de ses adhérents ont été capturés. Al Qaeda est
maintenant une organization sans centre de commandement et la plupart de ses cellules ont
été décimés.
Le
plus important est que toutes les nations sont unies dans le combat contre le terrorisme.
Le monde libre a été efficace dans le démembrement structurel, financier et physique
d'Al Qaeda. Il est aussi décidé à
poursuivre implacablement les terroristes, partout où ils sont et finir le travail pour
de bon - mais sans créer dautres terroristes.
Ces
succès ne doivent pas cacher la vraie bataille qui doit être livrée contre la guerilla
internationale, cest-à-dire
son Idéologie. Les racines de cette idéologie, qui donne une aura de légitimité
au terrorisme, doit être exactement définie et éliminée. Gagner cette guerre
idéologique est une phase essentielle afin de dessécher les viviers terroristes
potentiels et leurs sympathisants. Dans ce domaine, la bataille a à peine commencé.
La
stratégie pour défaire l'idéologie des terroristes doit être établie sur une
meilleure intelligence de la guérilla, de son origine, de ses méthodes et de ses
faiblesses.
L'insurrection
irakienne et le terrorisme international ont projeté la guérilla au devant de la scène
internationale. On la perçoit comme un nouveau phénomène dont nous devrions faire face
pendant des années à venir.
La
guérilla - également connue sous le nom de guerre asymétrique - n'est pas particulière
à aujourd'hui ou à une partie du globe; elle est aussi vieille que l'humanité. Elle a
toujours été une stratégie de lutte contre des envahisseurs, des oppresseurs et des
forces militaires supérieures. L'exemple, écrit, de la guérilla remonte probablement à
la bible : David et Goliath ou le triomphe du faible contre le fort, de lopprimé
sur le puissant. Les guérillas à grande échelle ont eu lieu pendant la révolution et
la guerre civile américaines. Durant la deuxième guerre mondiale, les maquis européens
ont joué un rôle important dans la défaite de l'Allemagne. Depuis la deuxième guerre
mondiale, la guérilla a été utilisée par les nationalistes pour se libérer du
colonialisme et par des dissidents pour lancer des guerres civiles. Il y a eu des
douzaines de conflits de ce genre. Les Etats-Unis ont commandité des guerillas, notamment
les forces cubaines anti-Castro, les contras en Nicaragua et les moudjahidine en
Afghanistan.
Les nombreuses guerres de guérilla dans l'histoire ont leurs points de divergence, leurs
caractéristiques particulières, leurs différents processus et conclusions mais elles
ont toutes un point commun : La guérilla est essentiellement une guerre politique, une
guerre du peuple, une guerre des idées. Elle dérive du peuple et est soutenue par lui ;
elle ne peut ni exister ni réussir si elle se sépare de la sympathies et de la
cooperation des populations. Le but doit donc être simple, compréhensible par même le
segment le plus arrièré et analphabète
de la population. L'objectif politique doit être concret et clair et devrait coïncider
avec les aspirations du peuple. Le nationalisme, l'injustice sociale et l'oppression ont
toujours été des motifs principaux pour les mouvement insurrectionels. Ces causes
cimentent les liens entre le peuple et les combattants et assurent les insurgés du
soutien de la population locale.
Dans
la plupart des cas, la répression ne réduit pas des insurgés commis à
une cause. Les forces militaires conventionnelles ne peuvent pas à
elles seules combattre avec succès des opérations de guérilla. Les insurgés sont des
civils armés commis fanatiquement à une cause simple avec des besoins logistiques
minimes. Une poignée d'insurgés armés peut maintenir une guérilla opérationnelle,
aussi longtemps que la population la soutienne.
Dès
le début d'une insurrection, dans la plupart des cas par un terrorisme vicieux et
inhumain (la guérilla urbaine), les forces de sécurité réagissent par des mesures
draconiènne,
dirigées contre des suspects... le peuple. Les insurgés répondent par des
exactions de provocation qui forcent les forces de sécurité à
recourir à
des mesures répressives ou inpopulaires (couvre-feux, barrages de route, fouilles de
maisons, détention des suspects, etc.). Ces actions accélèrent
lantipathie du public contre les forces de sécurité.
Le
guerilla intensifie ses provocations et force l'ennemi à adopter des méthodes plus
brutales encore telles que la torture et la destruction des biens. La guérilla
népargne aucune vie pour atteindre cette phase cruciale de linsurrection.
C'est la période la plus mortifère
et la plus ignoble d'une insurrection. Les agressions impitoyables de la guérilla et les
réactions implacables des forces de sécurité maintiennent la pression dans un cycle
vicieux de la violence qui cimente le rapport entre le peuple et les insurgés. Durant
cette phase de linsurrection, le nombre de morts est énorme dans les rangs de la
guerilla. Cela renforce la conviction des forces de sécurité qu'une victoire militaire
est la solution parce qu'il y a des résultats probants. Cet état desprit détourne
l'attention des vraies faiblesses de la guerilla. Elles sont nombreuses. Une guérilla est
une entreprise très vulnérable, à chaque étape de son évolution.
Les
exemples récents incluent le dilemme que la France a confronté dans la guerre
dAlgérie qui a commencé en 1954 par un soulèvement nationaliste contre le
colonialisme. Les Français étaient confiants qu'ils pourraient maîtriser les insurgés
avec un armement moderne et une force militaire supérieure. Cependant, en huit ans de
guerre et malgré un contingent français d'un demi-million de soldats, la France a dû
sincliner en dépit dune victoire militaire.
Il
ne s'avère pas que les Etats-Unis répètent l'erreur de calcul dans ce genre de conflit.
Ils ont appris de leurs récents succès et de leurs échecs et de leur expérience
antérieure de la guérilla.
Les
Etats-Unis ont transféré la souveraineté aux dirigeants irakiens. L'armée
doccupation est maintenant "une force multinationale" en Irak, sur la
demande du gouvernement intérimaire. La résolution du Conseil de sécurité du 8 juin,
2004 donne l'approbation internationale au plan de passation de pouvoirs. Ce processus
devrait mener a des élections pour qu'un gouvernement irakien directement élu prenne le
pouvoir au début de 2006.
On pourrait déduire que la guérilla est en phase de disparition et que la démocratie
est au bout du chemin. Mais un régime démocratique peut-il être installé de
l'extérieur en si peu de temps ? Les pays sous des systèmes autocratiques depuis des
décennies peuvent-ils être transformé en démocraties avec une telle alacrité ? Les
faiblesses d'un tel raisonnement sont nombreuses, cette ligne de pensée ne peut être
quune pure chimère.
La
démocratie n'est pas simplement une question délections. C'est une culture
politique basée sur la diversité, le multiculturalisme, et la tolérance des peuples et
de leurs idées. C'est une culture qui n'est pas limitée à l'adhésion tribale ou aux
parties politiques mais à tous les éléments d'une société. La démocratie a besoin,
plus que toute autre chose, dun environnement stable dans lequel elle peut évoluer.
La société irakienne a été réduite à un état de chaos et d'insécurité, sujette à
une multitude d'exactions. Il n'y a aucun signe de calme en vue, condition préalable pour
un processus démocratique. La plupart des Irakiens sont absents de ce processus ; les
joueurs hors de leur controle décident de leur sort et le pays est sous le contrôle
de milices, de chefs religieux, et de chefs de tribus. Le vote sera démocratique, le
monde le veut : un homme, une voix. Un homme, une voix veut dire les Chiites au pouvoir
(60% de la population), et Chiisme est aujourd'hui un antonyme de la démocratie. Le
résultat de ce processus pourrait finir en lutte pour le pouvoir ; cela a été le cas à
plusieurs reprises dans des circonstances semblables. En outre, la démocratie
narrive pas à
bout de la guérilla, puisque la guérilla a lieu dans une société démunie de culture
civile. Le processus démocratique pourrait suivre la résolution des conflits mais il ne
les précède pas. Une guerre civile généralisée peut être le prolongement de ce
conflit.
L'Algérie,
encore, est un exemple, semblable à
lIrak sous beaucoup d'aspects : Pays arabe et musulman avec une société
éthniquement diverse. Après 30 ans sous un système autocratique et en raison
démeutes et de manifestations à
lintérieur du pays et de pressions intenses de la communauté internationale pour
des réformes, le gouvernement a voulu experimenter la démocratisation. Le processus
avait été abruptement arrêté quand le partie d'opposition, le Front Islamique du Salut
(FIS), avait gagné les élections par une majorité écrasante. Les militaires, soutenus
par les pays occidentaux, avaient intervenu, abrogé la victoire des Islamistes et
persecutés ses membres en janvier 1992. Le FIS était rentré dans la clandestinité, ses
dirigeants avaient été arrêtés, et leurs sympathisants avaient entamé une guérilla.
Le pays a plongé dans une violence politique inégalée. Plus de 150.000 morts et un
désastre économique plus tard, l'Algérie essaye encore de résoudre cette crise.
Les
jours, les semaines et les mois à
venir sont fatidiques, dangereux et décisifs. La guerre civile devrait être évitée à
tout prix. L'échec du processus démocratique serait perçu comme une défaite des
Etats-Unis en Irak. Il aurait des conséquences immesurables à travers le monde. Ce
serait la défaite du monde libre, des Arabes et des musulmans qui aspirent à
la paix et au pluralisme politique. Cela inspirerait aussi de nouvelles guerillas et
dautres champs de bataille.
Le
succès du processus pour un Irak stable et unifié est une étape essentielle afin de
combattre les racines de la guérilla internationale. Ces racines sont nombreuses mais la
mère
de toutes les racines est "lidéologie" de la guérilla Une
idéologie établie faussement sur la religion et sur la frustration de plus d'un milliard
de musulmans à
travers le monde dû au manque de liberté dans leurs pays respectifs.
Al
Qaida a réussi à
donner une idéologie au terrorisme et a catapulté la guérilla à
léchelle internationale. Les proclamations de politiciens, les affirmations
dexperts en tout genre et la couverture médiatique 24/7 ont propagé à
travers le monde la rhétorique, la sémantique et la propagande des terroristes :
islamistes, intégristes, djihadistes, etc.
Traditionnellement,
la guerilla est un conflit interne. Elle veut faire des changements à
lintérieur d'un pays. La guérilla est considéré en termes de lutte contre un
gouvernement national ou une puissance coloniale. Al Qaeda a donné une nouvelle dimension
"à la libération nationale", la "nation de lIslam",
sans frontières, le monde. Une abstraction géographique qui est comprise par les
musulmans, concept qui correspond à
l '"Umma" mythique (la communauté musulmane) où un musulman est
avant tout un membre d'une grande "famille" musulmane avant d'être un citoyen
d'une nation spécifique. Lintégrisme musulman a aidé à
former cette idéologie. Le discours des intégristes n'est pas nouveau et est partout
semblable : la libération nationale par le djihad contre la corruption et l'oppression
internes et l'impérialisme occidental (le défenseur des oppresseurs), particulièrement
l'impérialisme américain, mais lintégrisme musulman n'est pas intrinsèquement
enclin au terrorisme.
Tout
comme ses contre-parties chrétienne et juive, lintégrisme musulman cherche à
reconstituer un passé imaginé et idéal. Les intégrismes juif et chrétien se sont
développés dans des systèmes démocratiques qui leur permettent d'exprimer leur foi et
d'exercer leurs droits. Lintégrisme musulman a proliféré sous des régimes
autocratiques où ses droits sont niés et ses membres sont persécutés s'ils refusent de
servir le système. Dans la plupart des cas, les partis intégristes musulmans
représentent la seule opposition organisée et efficace contre le despotisme séculaire.
Leur opposition est une résistance active qui dégénère souvent en violence et en
terreur dirigées contre des régimes dans leur propre pays. Dans ce contexte, Al Qaeda et
les organismes semblables de terroristes ne sont ni des intégristes ni des islamistes.
Leur idéologie est une idéologie pour une terreur fanatique et impitoyable, une
idéologie de crimes barbares dinnocents, indépendante de l'Islam. C'est un
terrorisme international.
Le
terrorisme international est plus dangereux en tant quidéologie enveloppée dans
une religion que comme une organisation terroriste. Il est plus que jamais capable de
propager ses idées et sa vision du monde aux musulmans frustrés et désespérés. En
plus d'une longue haine contre des régimes autocratiques dans leur propre pays, ils
croient que le monde occidental est parti en croisade contre l'Islam et, par conséquent,
certains d'entre eux ont adopté la rhétorique dAl Qaeda : Anti-occidentale,
anti-sioniste et anti-sémitique.
La lutte anti-guérilla internationale devrait également être une guerre des idées, du
peuple. Une guérilla ne peut pas être vaincu sans lappui des populations, de ce
fait le vrai combat anti-guerilla est donc réellement une guerre de libération. Les pays
occidentaux doivent accueillir au sein de la famille démocratique des populations vivant
maintenant sous le despotisme. Il doivent libérer les peuples des pays arabes et du monde
musulman du désespoir, ils doivent leur fournir une alternative qui leur donne de
l'espoir. Les oligarchies - d'où les terroristes sont originaires - n'ont aucun intérêt
dans la liberté de leurs peuples, ils nont aussi aucun intérêt à
combattre le terrorisme aussi longtemps que celui-ci ne menace pas directement leurs
intérêts. Ces autocrates ont démontré, à plusieurs reprises à
travers leur histoire, que lorsquils sont menacés, ils ont combattu avec sauvagerie
les insurrections. Tout comme Al Qaeda, les monarchies absolues et les gouvernements
totalitaires utilisent l'Islam pour légitimer leur pouvoir.
Le
bourbier doù
les terroristes émergent réside dans le refus des pays arabes à
joindre le monde libre et la modernité. Le 11 septembre n'est pas venu d'un seul
criminel. Si ce n'était pas Ben Laden, cela aurait été quelqu'un d'autre. Ils sont
maintenant une très petite minorité sur plus dun milliard de musulmans. La plupart
des musulmans, partout, désirent ardemment la liberté d'expressions, des élections
libres, le pluralisme, l'éducation et une chance pour une meilleure vie. Ils sont
fatigués de la répression, de la stagnation et de la tyrannie dans leur propre pays et
maintenant du terrorisme commis sous leur nom et celui de leur religion.
Le monde libre devrait réellement faire de la liberté sa première priorité, apporter
une "fin au despotisme dans le monde arabe" et favoriser "les valeurs de la
démocratie comme clef de la vie, de la liberté et de la stabilité", comme
lont proclamé certains dirigeants occidentaux. Ils pourraient alors avoir les
Arabes, les musulmans et toutes les masses opprimées avec eux.
La stratégie de la lutte anti-guérilla internationale devrait aussi tenir compte que la
démocratie ne peut pas être imposée ou être implanté de l'extérieur mais doit être
le choix des dirigeants politiques émergents et du citoyen moyen ; que les pays et les
gens ne se divisent pas souvent d'une manière nette en "bon" contre le
"mal" et ; que le monde occidental n'est plus considéré comme modèle moral,
s'il la jamais été. Les gouvernements occidentaux doivent faire une forte pression
diplomatique, économique, financière et militaire sur les despotes - qu'ils ont
longtemps soutenu - pour réformer leur politique et quils soient surtout à
lécoute des réformateurs et des activistes civils et les aider à réaliser ce
qu'ils ont toujours voulu instituer : la liberté d'expression, la liberté de la presse,
la liberté d'associations, la légalisation des partis politiques et des organismes
civiques, etc...
La
vraie lutte contre le terrorisme international commencera alors.
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