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du Vendredi 7 mai 2004
Aimée et souffrante Algérie
J’ai été fellagha, officier français et déserteur
Mémoires
De Rémy Madoui
Sa mémoire aussi est un champ
de braises. A 60 ans, Rémy Madoui a connu trois patries, l’Algérie, la France et
les Etats-Unis. Il a éprouvé dans sa chair et son coeur la guerre qui a déchiré sa
province natale entre 1954 et 1962. D’esprit pionnier, il a refait sa vie
outre-atlantique pour mettre un océan entre ses chagrins et lui.
A l’instar de sa jeunesse en morceaux,
l’homme s’est appelé successivement Si Nadji, puis Sid Ali, puis Rémy Madoui.
Non qu’il ait épousé plusieurs causes. Il a poursuivi la même dans différents
camps, jugeant que les notions de liberté, de dignité et d’honneur n’avaient
pas d’uniforme mais habitaient le coeur des hommes, qu’ils se nomment Si
M’Hamed, Hamoud, Jacques Drion ou Hélie de Saint Marc.
En 1955, Madoui a 16 ans. D’instinct, le
jeune homme se lance dans la révolte contre le système colonial qui entrave le
développement économique, social et intellectuel de son pays. Pas au nom d’une
idéologie ou d’une religion, mais au nom de la liberté derrière laquelle bien des
hommes de bonne volonté d’origine européenne ou arabe peuvent se retrouver. Cadre
de la fameuse wilaya 4, il est l’un de ces “braves” auxquels le général
de Gaulle s’adresse à son arrivée au pouvoir. Son chef, Si Salah, est de ceux qui
tentent de trouver – en vain – une solution négociée avec les autorités
françaises. C’est compter sans la nature ambiguë du mouvement indépendantiste :
Arabes contre Kabyles, idéologues contre idéalistes, indépendantistes du FLN ou du MNA
: “Sans exagérer, écrit l’auteur, on peut avancer que plus de la
moitié des martyrs algériens ont dû leur mort au FLN.”
En 1960, en mauvaise posture sur le plan
militaire, le FLN plonge dans une folie épuratrice. La “bleuite” est
partout. Le 19 mars, Si Nadji est arrêté par ses frères d’armes. Son crime : être
un jeune intellectuel et francophone. Il est livré au sanguinaire Hacène Mayouz, dit
“Hacène la torture”. Laissé pour mort, il échappe à ses tortionnaires et
rejoint l’armée française. Il y est accueilli par des officiers qui voient en lui
le fraternal adversaire et non l’ennemi. Ils en font un des leurs, porte-drapeau de
sa promotion de Cherchell, et Si Nadji devenu le sous-lietenant Rémy Madoui sert comme
commando au 6e régiment d’infanterie contre ses tortionnaires. Il met dans la
bataille toute sa déception et le souvenir de ses blessures. Son ralliement cause des
pertes importantes au FLN. Le 20 mars 1962, au lendemain des accords d’Evian,
désespéré par l’issue du conflit et la prise de contrôle de la révolution par
les extrémistes, Madoui passe avec armes et bagages à la sédition, ralliant pour
quelques semaines un baroud d’honneur nommé les maquis OAS de l’Ouarsenis.
L’idée d’une Algérie fraternelle est désormais morte et enterrée. Il est
arrêté, jugé et condamné. Son “parrain”, le général Drion, alors
commandant l’école d’artillerie de Châlons, vient témoigner en uniforme pour
demander la clémence : “Il a été deux fois condamné à mort par le FLN, je ne
souhaite pas qu’il soit condamné une troisième fois par la justice française.”
Rémy Madoui fera un an, purgeant sa peine et ses larmes.
Aujourd’hui consultant international, il suit l’histoire de
l’Algérie dans la presse internationale. Cette tragédie confirme ses intuitions de
jadis. Il sait que depuis quarante ans, accablés par un tel naufrage, les braves de tous
bords ne sont guère en paix.
Etienne de Montety
*
Rémy Madoui a
publié
J’ai été
fellagha, officier français et déserteur, Seuil, 2004.
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