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Du FLN à L'OAS

Rémy Madoui

La guerre d'Algérie depuis le 1er novembre 1954

 

 

 


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Livre


Auteur


Wilaya 4

Armée française


Presse - France Soir

France Soir – Actualité - Jeudi 15 avril 2004

TEMOIGNAGE – Du FLN à l’OAS, le parcours atypique de Sid Ali devenu Rémy Madoui. Un Algérien déchiré, à l’image de son pays, et définitivement meurtri.

Perdu dans la guerre, et pour toujours en Algérie

            Il parle, avec son accent américain, de harassment, en pensant harcèlement. Evoque les librairies américaines , avant de se reprendre, un petit sourire aux lèvres: “Pardon, je voulais dire les “bibliothèques publiques”. Né à Téniet al Had, au sud de l’Ouarsenis, “dernière ville avant les Hauts Plateaux algériens”, Rémy Madoui (64 ans) est atypique à plus d’un titre.

            Déjà, à cause de cet accent américain… Car Madoui vit aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre d’Algérie. Atypique également du fait, justement, de son parcours au sein de ce conflit sanglant.

            A l’âge de 15 ans, Rémy Madoui rejoint le maquis FLN de la Wilaya 4. Il est fils d’une famille relativement aisée. L’un des rares musulmans à avoir été admis au lycée. En septembre 1955, lorsque Madoui entend le mot de passe “al thaoura” (révolution en arabe), il est “prêt”.

            Dans le djebel, l’adolescent devient “Sid Ali.” Il y cotoiera le meilleur comme le pire. Des chefs exemplaires, ses “nouveaux pères”. Et puis il y aura les autres. Ceux qui cèdent à l’”intox”. La propagande française parvient à pourrir la vie du maquis. Des combattants sont persuadés que des “frères” trahissent. Y compris Sid Ali. Les purges se multiplient. A partir du 19 mars 1960, Madoui est torturé. Il n’a pas le choix. La fuite ou la fosse anonyme, quelque part dans la montagne. “Sid Ali” se livre aux Français. Là, une rencontre va boulverser sa vie, Le colonel Jacques Drion, chef du secteur de Médéa, demande à le voir. L’entretien scellera l’avenir de Madoui.


            “Sid Ali” devient Rémy. Il est en âge d’effectuer son service militaire, sous l’uniforme français. Après sa formation, l’ancien moujahid rejoint l’armée… française.  19 mars 1960-19 mars 1962… Madoui, enfoui dans son uniforme et riche de ses galons, n’en croit pas ses oreilles. De Gaulle s’apprête à remettre les clefs de l’Algérie au FLN. Celui des “extrémistes” qui l’ont torturé et ont “bafoué les idéaux de la Révolution”.

            Désespéré, “Sid Ali”-Rémy rejoint l’OAS. Il finira la guerre d’Algérie en prison. Un parcours atypique, un trajet personnel caractéristique des passions de sa terre natale, Rémy Madoui est un concentré vivant de toutes les souffrances algériennes.


L.B.

Je ne peux pas m’empêcher d’avoir mal

Est-il courant, dans l’Algérie coloniale, de monter au maquis à 15 ans ?

Rémy Madoui. Dans l’Algérie coloniale, l’injustice, la pauvreté, la misère sont flagrantes. Dans les villes, le problème est moins apparent car les deux communautés vivent plus ou moins séparées. Dans les campagnes, quelques Européens possèdent absolument tout et les autres crèvent. Enfant, j’assiste à des famines. Notamment près des montagnes, où les gens sont encore plus déshérités. Et c’est quotidian. Quand la révolution commence, des jeunes partent naturellement au maquis. Le choix n’existe pas. La réside le seul moyen de tenter d’éviter un carnage. La mort existe bien avant la guerre.

Comment avez-vous été recruté pour le maquis?

R.M. Nous sommes nombreux à d’abord rejoindre des organisations comme les scouts musulmans, crées par le mouvement de Messali Hadj. Là, nous avons notre formation politique. Lorsque je suis contacté, je dis : “Oui.” Je suis très content de monter au maquis. Au lycée, moi qui connais très peu d’islam, avec mes copains de lycée musulmans, nous allons à la mosquée faire la prière. Une autre façon de s’opposer. A la maison, je passe des nuits entières à dormir par terre. J’allais me battre, donc je m’entraîne. Des trucs d’enfants ? Peut-être, mais ils montrent l’état d’esprit de cette jeunesse déja prête, formée et qui n’a pas besoin d’être convaincue.

Dans votre livre, vous donnez l’impression d’avoir consacré plus de temps à jouer à cache-cache avec l’armée française qu’à vraimment la combattre…

R.M. Il est impossible d’avoir des zones de front. Dans un accrochage, et j’en ai connu plusieurs, le combat d’égal à égal ne dure pas dix minutes. Au-delà d’une demi-heure d’affrontement, nous avons des pertes énormes. Il faut monter des embuscades, soit des coups de nuit et avec un excellent mouvement de repli pour, ensuite, échapper à l’aviation, aux hélicoptères… Les éléments apportés par le service de renseignement, auquel j’appartiens alors, sont essentials. La guerre d’Algérie, c’est un harcèlement constant. Il suffit d’un groupe de gens convaincus, armés. Avec le soutien du peuple, la guérilla peut durer éternellement…

Et, au maquis, vous aviez des débats politique ?

R.M. Il faut apporter des éléments de base à nos compagnons. L’ignorance du peuple est incroyable. Ne serait-ce que décrire le pays lui-même, le monde et la réalité du colonialisme… Dans ma mechta de l’Ouarsenis, nous tentons d’expliquer l’éléctricité aux combattants, de leur décrire une ampoule. Faire connaître les choses à un analphabète, qui n’est jamais descendu en ville.

Quel était votre projet après l’indépendence, une Algérie démocratique ?

R.M. Avec 94% d’analphabètes, nous ne pouvions pas gérer ce pays. C’était impossible. Il fallait le faire avec la France. Parmi nous, personne n’envisage une rupture complète. Nous rejetons à 100% le concept de “zaïm”, de dictateur, cette nouvelle forme de colonisation. En 1956, avec la plate-forme de la Soummam, nous avons même une vraie Constitution. Celle-ci est appliquée jusqu’en 1959. Malheureusement, beaucoup de ses auteurs sont tués.

Vous évoquez une espèce de Commune de Paris, de république utopique à l’intérieur de la révolution, la Wilaya 4…

R.M. Très tard, je maperçois que la Wilaya 4 est unique. Et ce parce que nos responsables sont restés sur place. Dans les Aurès, beaucoup sont parties pour diriger de l’extérieur du pays. Devenant des dictateurs, ou des suppots de dictateurs.

Concrétement, ça veut dire quoi : que, dans la Wilaya 4, il y avait des débats au sein des combattants ?

R.M. Personne ne peut prendre une décision seul. Si le sujet sort d’une certaine routine, la décision est prise par tout le groupe. On évite ainsi la création de petit fiefs personnels. Et nous limitons les risques d’erreur. Quatre têtes qui pensent, c’est mieux qu’une. Nous sommes tous sans expérience. Nous nous retrouvons à gérer financièrement, militairement, politiquement… des territoires immenses.


Puis il y a eu ce virage, ce fameux “procès” ou l’on vous a accusé de trahison…

R.M. Aprés la bataille d’Alger, pas mal des nôtres sont “retournés” par les services français. Membre du Deuxiéme Bureau, Michel Bussac, qui est maintenant mon ami, m’a décrit les recettes. Quand il faut compromettre un combattant, une lettre à son nom est déposée dans la montagne, bien apparente sur une pierre. Son contenu : “Merci pour tes renseignements….” En face, des idiots tombent dans le panneau. En Kabylie, la manipulation est plus poussée. Des hommes “retournés” sont renvoyés au maquis pour “intoxiquer” ses membres. Quand ces “informations” tombent dans l’oreille d’hommes peu ouverts aux gens éduqués, c’est la catastrophe. Ainsi, les réactions d’Amirouche (puissant chef du FLN en Kabylie, ndlr). Il est trés religieux, se méfie des citadins. Amirouche en a massacré, des jeunes.

Vous êtes passé chez les Français, parce que ceux-ci ont réussi à vous “griller” ? Mais, à cause d’eux, votre propre camp vous a torturé…

R.M. Beaucoup d’entre nous ont été torturés par leur propre camp, à un point qu’ils ne pouvaient plus résister. Et il faut donner des noms. Mais pas simplement pour sauver sa peau. Après avoir parlé, on est massacré. Certains donnent des noms, tout ce qu’il leur vient à l’esprit, juste pour se faire tuer, parce qu’ils ne peuvent plus supporter. La machine a constamment quelque chose à broyer. Comme les hommes sont de la même région, ils donnent les mêmes noms. Une “confirmation” automatique des soupçons. Les tortionnaires ne réfléchissent pas. Si autant d’hommes valables ont comploté contre la révolution, ceux-ci se seraient emparés de la région!

Etes-vous obligé de passer dans l’autre camp ?

R.M.  Je n’ai aucun choix. C’est ça ou mourir. Où aller ? Je suis préparé à l’idée d’être torturé par l’armée française, ou alors jugé et emprisonné. Mais je tombe sur Jacques Drion, un officier admirable, qui applique ses principes en Algérie. A ce moment-là, mon ralliement se transforme en adhésion à l’armée française.

L’affaire Si Salah, c’était une tentative d’obtenir, avec la France, un accord politique cohérent pour l’Algérie?

R.M. L’affaire n’est pas un ralliement de chef de wilaya du FLN à la France. Certains soulignent la “victoire” de la France. La wilaya la plus importante voulait se rallier, déposer les armes”. Avant son discours sur l’autodétermination, De Gaulle a proposé trois options. Qui plus est par les urnes. C’est exactement notre combat. Avant que je ne sois torturé, nous avons eu des réunions à ce sujet car le FLN ne faisait rien. La Wilaya 4 prend une décision : “si le FLN ne bouge pas, nous allons agir!” Nous en avons assez de voir la population souffrir. Cette peine est devenue inutile puisque nous arrivons exactement à notre but. Deux d’entre nous ont été dépêchés auprès du Gouvernement provisoire de la République algérienne et Houari Boumedienne et son état major (tous basés à l’extérieur de l’Algérie). Si Salah est allé leur dire : “Il faut absolument négocier.” Il fallait contrebalancer cette influence énorme des extrémistes de l’extérieur, Boumedienne, sa clique et ceux du GPRA. Là est le but de l’affaire Si Salah. Rien à voir avec une révolte visant à créer un séparatisme au sein du FLN ou un ralliement.

Où est le rapport entre avoir 15 ans et entrer au FLN et sept ans plus tard, à 22 ans, frapper à la porte de l’OAS ?

R.M. Je déserte en 1962 pour deux raisons. A l’époque l’OAS n’est pas encore mortifère comme par la suite. Enfin, l’Algérie va tomber entre les mains des membres du FLN que j’avais combattu. Je sais ce qu’ils vont faire du pays.

A cause de votre expérience au sein du FLN ?


R.M. Les gens valables n’existent plus. Ceux qui restent sont ces dirigeants qui, dès le début, veulent le pouvoir. Ensuite, les officiers de l’OAS que je connais – je ne parle pas des civils qui ont commis les massacres d’Algériens -, sont tous des Français de France révoltés par le colonialisme. Nous nous entendons très bien. Ces hommes retiennent l’idée d’une Algérie indépendante dans un contexte français. Ces soldats n’ont aucune affinité avec ce que j’appelle les exploiteurs. Le but de l’OAS est de forcer De Gaulle à maintenir cette autodétermination. Et la manière d’y arriver, c’est de faire basculer l’armée. Telle est l’OAS que j’ai rejointe. Après, lorsque je m’aperçois à quoi j’ai affaire, je suis complétement déboussolé. C’est la négation de tout ce que j’ai fait depuis mes 15 ans, des engagements de ma famille, nationaliste depuis des générations. Je suis écoeuré d’avoir appartenu
à cette organisation qui tue une Algérienne parce que c’est une “fatma”. Celle-ci aurait pu être ma mère, ma soeur. Et puis, il y a le maquis de l’Ouarsenis. Celui de l’OAS. Un fiasco total. Je pense que tout a été préparé. Pas du tout ! Nous n’avons pas acquis le peuple algérien à notre cause! Le maquis n’a pas duré trois jours.

Vous n’êtes pas retourné en Algérie depuis 1962 ?

R.M. Non.

De quelle nationalité êtes-vous ?

R.M. Je suis français et américain.

Comment jugez-vous l’Algérie d’aujourd’hui ?

R.M. C’est un gaspillage énorme. Malgré son degré d’analphabétisme, l’Algérie avait des resources incroyables. Tout a été gaspillé. Elle aurait pu être aussi développée, quarante ans après, que n’importe quel pays occidental. L’Algérie a faillie. Elle aurait été l’exemple du tiers-monde. On sait où en est le peuple. Un désastre. Pour tous les gens qui, comme moi, ont sacrifié leur jeunesse, essayé de faire ce qui était possible, voir ce résultat… Ces officiers, ces sergents, manipulant le gouvernement, sans avoir tiré un coup de fusil contre l’ennemi ! Je ne peux pas m’empêcher d’avoir mal. Le pays a besoin d’une autre révolution. Mais non violente. J’espère que, de mon vivant, l’Algérie sera un jour indépendante. Le peuple le mérite.

Propos receuillis par Lakhdar Belaid.


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