Plate-forme de la Soummam
5) L'Algérie devant le Monde
La diplomatie française a entrepris
sur le plan international un travail interne pour obtenir partout où c'est possible, ne serait-ce que très provisoirement, une
aide morale et matérielle ou une neutralité bienveillante et passive. Les seuls
résultats plus ou moins positifs sont les déclarations gênées, arrachées aux
représentants des États-Unis, de l'Angleterre et de l'O.T.A.N.
Mais
la presse mondiale, notamment la presse américaine, condamne impitoyablement les crimes
de guerre, plus particulièrement la Légion et les paras, le génocide des vieillards,
des femmes, des enfants, le massacre des intellectuels et des civils innocents, la torture
des emprisonnés.
Elle
exige du colonialisme français la reconnaissance solennelle du droit du peuple algérien
à disposer librement de son sort.
La
lutte gigantesque engagée par l'Armée de Libération Nationale, son invincibilité
garantie par l'adhésion unanime de la nation algérienne à l'idéal de liberté, ont
sorti le problème algérien du cadre français dans lequel l'impérialisme l'a tenu
jusqu'alors prisonnier.
La
conférence de Bandoeng et surtout la X. session de l'O.N.U. ont eu particulièrement le
mérite historique de détruire la fiction juridique de l'Algérie française ».
L'invasion
et l'occupation d'un pays par une armée étrangère ne sauraient en aucun cas modifier la
nationalité de ses habitants. Les Algériens n'ont jamais accepté la francisation
, d'autant plus que cette etiquette ne les a jamais empêchés d'être
dans leur patrie moins libres et moins considérés que les étrangers.
La
langue arabe, langue nationale de l'immense majorité, a été systématiquement
étouffée. Son enseignement supérieur a disparu dès la conquête par la dispersion des
maîtres et des élèves, la fermeture des universités, la destruction des
bibliothèques, le vol des donations pieuses.
La
religion islamique est bafouée, son personnel est domestiqué, choisi et paré par
l'administration colonialiste.
L'impérialisme
français a combattu le mouvement progressiste des Oulémas pour donner son appui total au
maraboutisme, domestiqué par la corruption de certains chefs de confréries.
Combien
apparaît dégradante la malhonnêteté des Bidault, Lacoste, Soustelle et le cardinal
Feltin lorsqu'ils tentent de tromper l'opinion publique française et étrangère en
définissant la Résistance algérienne comme un mouvement religieux fanatique au service
du panislamisme.
La
ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses
qui peuplent l'Algérie, mais entre d'une part, les partisans de la liberté, de la
justice, de la dignité humaine et d'autre part, les colonialistes et leurs soutiens,
quelle que soit leur religion ou leur condition sociale.
La
meilleure des preuves n'est-elle pas le châtiment suprême infligé à des traîtres
officiants du culte, dans l'enceinte même des mosqués ?
Par
contre, grâce à la maturité politique du peuple algérien et la sage et lucide
direction du Front de Libération Nationale, les provocations traditionnelles et
renouvelées du colonialisme : pogroms, troubles antichrétiens, xénophobie, ont été
déjouées et étouffées dans l'oeuf.
La
Révolution algérienne, malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un
combat patriotique, dont la base est incontéstablement de caractère national, politique
et social.
Elle
n'est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington.
Elle
s'inscrit dans le cours normal de l'évolution historique de l'humanité qui n'admet plus
l'existence de nations captives.
Voilà
pourquoi l'indépendance de l'Algérie martyre est devenue une affaire internationale et
le problème-clé de l'Afrique du Nord.
De
nouveau, l'affaire algérienne sera posée devant l'O.N.U. par les pays afro-asiatiques.
Si,
lors de la dernière session de l'Assemblée Générale de l'O.N.U., on constata chez ces
pays amis le souci tactique exagérément conciliateur, allant jusqu'à retirer de l'ordre
du jour la discussion de l'affaire algérienne, il n'en est pas de même aujourd'hui car
les promesses de la France n'ont nullement été tenues.
Ce
manque de hardiesse était déterminé par l'attitude des pays arabes en général et de
l'Egypte en particulier. Leur soutien à la lutte du peuple algérien demeurait limité;
il était assujetti aux fluctuations de leur diplomatie. La France exercait une pression
particulière sur le Moyen-Orient en monnayant son aide économique et militaire et son
opposition au Pacte de Bagdad. Elle avait notamment essayé de peser de toutes ses forces
pour paralyser les urnes psychologiques et morales dont le F.L.N. dispose.
L
'attitude des pays non arabes du bloc afro-asiatique était conditionnée, semble-t-il,
par le souci d'une part de ne jamais dépasser celle des pays arabes, par le désir
d'autre part de jouer un rôle déterminant dans les problèmes tels que ceux du
désarmement et de la coéxistence pacifique.
Ainsi
l'internationalisation du problème algérien dans sa phase actuelle a renforcé la prise
de conscience universelle sur l'urgence du réglement d'un conflit armé pouvant affecter
le bassin méditerranéen et l'Afrique, le Moyen-Orient et le monde entier.
Nos
contacts avec les dirigeants des pays frères n'ont jamais été autre chose que des
contacts d'alliés et non d'instruments.
Nous
devons veiller d'une façon systématique à conserver intacte l'indépendance de la
Révolution algérienne. Il convient de réduire à néant la calomnie lancée par le
gouvemement français, sa diplomatie, sa grande presse pour nous présenter comme une
rebellion artificiellement fomentée de l'étranger, n'ayant pas de racines dans la Nation
algérienne captive.
1)
- Provoquer chez les gouvemements du Congrès de Bandoeng, en plus de l'intérvention à
l'O.N.U., des pressions diplomatiques, voire économiques directes sur la France.
2)
- Rechercher l'appui des États et des peuples d'Europe, y compris les pays nordiques et
les démocraties populaires ainsi que les pays d'Amérique Latine.
3) - S'appuyer sur l'émigration arabe dans les pays de l'Amérique Latine.
Dans
ce but, le F.L.N. a renforcé la Délégation algérienne en mission à l'extérieur. Il
devra avoir:
a)
- Bureau permanent auprès de l'O.N.U. et aux U.S.A.
b)
- Délégation dans les pays d'Asie.
c)
- Délégations itinérantes pour la visite des capitales et la participation aux
rassemblements mondiaux culturels, estudiantins, syndicaux, etc.
d)
- Propagande écrite créee par nos propres moyens : bureaux de presse, éditions de
rapports, documents par la photo et le film
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