Plate-forme de la Soummam
b) Une organisation politique efficace.
Le Front de Libération Nationale, malgré
son activité clandestine, est devenu aujourd'hui l'unique organisation véritablement
nationale. Son influence est incontestable et incontestée sur tout le territoire
algérien.
En effet, dans un délai extrêmement court,
le F.L.N. a réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existant
depuis des dizaines d'années.
Cela n'est pas le fruit du hasard. C'est le
résultat de la réunion des conditions indispensables suivantes:
1) Le bannissement du pouvoir personnel et
l'instauration du principe de la direction collective composée d'hommes propres,
honnêtes, impérméables à la corruption, courageux, insensibles au danger, à la prison
ou à la peur de la mort.
2) La doctrine est claire. Le but à
atteindre c'est l'indépendance nationale. Le moyen, c'est la révolution par la
destruction du régime colonialiste.
3) L 'union du peuple est réalisée dans la
lutte contre l'ennemi commun, sans sectarisme:
Le F.L.N. affirmait au début de la
Révolution que «la libération de l'Algérie sera l'oeuvre de tous les Algériens et non
pas celle d'une fraction du peuple algérien, quelle que soit son importance . C'est
pourquai le F.L.N. tiendra compte dans sa lutte de toutes les forces anti-colonialistes,
même si elles échappent encore à son contrôle.
4) La condamnation définitive du culte de
la personnalité, la lutte ouverte contre les aventuriers, les mouchards, les valets de
l'administration, indicateurs ou policiers. D'où la
capacité du F.L.N. à déjouer les manoeuvres politiques et les traquenards de l'appareil
policier français.
Cela ne saurait signifier que toutes les
difficultés soient complètement effacées.
Notre
action politique a été handicapée au depart pour les raisons ci-après :
- L'insuffisance numérique des cadres et
des moyens matériels et financiers;
- La nécessité d'un long et dur travail de
clarification politique, d'explication patiente et persévérante pour surmonter une grave
crise de croissance;
- L'impératif stratégique de subordonner
tout au Front de la Lutte Armée.
Cette faiblesse, normale et inévitable au
début, est déjà corrigée. Après la période où il
se contentait de lancer uniquement des mots d'ordres de résistance à l'impérialisme, on
a assisté ensuite à une réelle apparition du F.L.N. sur le plan de la lutte politique.
Ce redressement fut marqué par la grève
d'anniversaire du 10. novembre 1956, considérée comme l'événement décisif, tant par
son aspect spectaculaire et positif que par son caractère profond, preuve de la
prise en main de toutes les couches de la population.
Jamais, de mémoire d'Algérien, aucune
organisation politique n'avait obtenu une grève aussi
grandiose dans les villes et villages du pays.
D'autre part, le succès de la non-coopération politique
lancée par le F.L.N. est non moins probant. La cascade
de démissions des élus
patriotes suivie de celles des élus administratifs ont
imposé au gouvernement français la non-prorogation du mandat des députés du Palais Bourbon, la
dissolution de I'Assemblée algérienne. Les conseils généraux et municipaux et les djemaas ont disparu, vide accentué et amplifié par la démission de nombreux fonctionnaires et auxiliaires de l'autorité coloniale, caïds, chefs de
fraction, gardes champêtres. Faute de candidatures ou de
remplaçants, l'administration française est disloquée; son armature
considérée comme
insuffisante ne trouve aucun appui parmi le peuple; dans presque toutes les régions elle coéxiste avec l'autorité du F.L.N.
Cette lente mais profonde désagrégation de l'administration française a permis la naissance puis le développement
d'une dualité de pouvoir. Déjà fonctionne une administration révolutionnaire avec des djemaas clandestines et des organismes
s'occupant du ravitaillement, de la percéption d'impôts, de la justice, du recrutement de moudjahidines, des services de
securité et de renseignements. L'administration du
F.L.N. prendra un nouveau virage avec l'institution des assemblées du peuple qui seront élues par
les populations rurales avant le deuxième anniversaire
de notre révolution.
Le sens politique du F.L.N. s'est vérifié
d'une facon éclatante par l'adhésion massive des paysans pour lesquels la conquête de
l'indépendance nationale signifie en même temps la réforme agraire qui leur assurera la
possession des terres qu'ils fécondent de leur labeur.
Cela
se traduit par l'éclosion d'un climat insurrectionnel qui s'est étendu avec rapidité et
une forme variée à tout le pays.
La
présence d'éléments citadins, politiquement mûrs et expérimentés, sous la direction
lucide du F.L.N., a permis la politisation des régions retardataires. L'apport des
étudiantes et étudiants a été d'une grande utilité, notamment dans les domaines
politique, administratif et sanitaire.
Ce
qui est certain, c'est que la Révolution algérienne vient de dépasser avec honneur une
première étape historique.
C'est
une réalite vivante ayant triomphé du pari stupide du colonialisme français prétendant
la détruire en quelques mois.
C'est
une révolution organisée et non une révolte anarchique.
C'est
une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une
guerre religieuse. C'est une marche en avant dans le sens historique de l'humanité et non
un retour vers le féodalisme.
C'est
enfin la lutte pour la renaissance d'un État algérien sous la forme d'une République
démocratique et sociale et non la restauration d'une monarchic ou d'une théocratie
révolues.
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Abane
Ramdane
L'architecte de La Plate-forme
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